Blog de Raistlin

Mon dernier blog n'est plus. Vive mon nouveau blog ! Vous trouverez ici mes écrits. En espérant que cela vous plaira. Bonne lecture !!

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Lieu : Picardie, France

samedi, août 30, 2008

Chapitre 15 : « Allons-y »

« Ah non alors ! »
Il était hors de question qu’IL me fasse encore un coup comme celui-là, et qu’IL disparaisse sans crier gare en me laissant mariner dans mon jus, dans l’attente d’une hypothétique future rencontre au détour d’un hasard incertain. Ca n’allait pas se passer comme ça, cette fois ci !

Aussi, en LE voyant détaler comme un lapin, j’avais retroussé mes jupes, enfin façon de parler, hein, parce qu’elles étaient déjà bien courtes mes jupettes, et je l’avais poursuivi toutes voiles dehors, fendant la foule telle Le Black Pearl aux trousses du Flying Dutchman.

Malheureusement, je L’avais perdu de vue après qu’IL eut bifurqué à l’angle du couple Pitt, où la silhouette largement évasée de la future maman m’avait caché la direction qu’IL avait emprunté.

Damn it !

Ensuite, j’avais tenté en vain de retrouver SA trace ou celle des Potter, parmi cette masse informe de stars babillant et gravitant en tous sens. J’étais loin de posséder l’instinct de pisteuse de la belle Kate de Lost, que ce soit dans la jungle ou ailleurs. Mon sens de l’orientation était aussi réduit que celui d’un mollusque. Et encore ! Peut être que si Sawyer avait été là pour me guider …sans sa chemise bien sûr

Bref, dans mon errance, j’avais dépassé Julia R. et Mélanie G. qui grignotaient leurs petits fours avec parcimonie, régime et ligne Hollywoodienne obligent, bousculé par mégarde quelqu’un qui ressemblait vraiment, mais vraiment beaucoup à Hugh Jackman, non, ce n’est pas lui quand même… ?, et après avoir fouillé le moindre recoin de la salle comble, au point que j’avais même fini par retomber sur la vieille dame des années trente, abandonnée de tous, et en train de s’octroyer la dernière tartelette au citron du buffet, j’avais bien dû admettre qu’IL ne se trouvait plus entre ces murs.

Une fois cette inexplicable vérité assimilée, je m’étais aussi rendu compte que dans ma course effrénée, façon Anne Elliot volant vers le Captain Wentworth, j’avais en plus semé Lola en chemin, zut ! et son photographe minable, pas grave. Et pour couronner le tout, j’étais toujours pieds nus, et sans la moindre idée de comment j’allais bien pouvoir rentrer à l’hôtel sans les clés de mon amie.

C’est alors que j’avais vu s’avancer vers moi, mon nouveau meilleur pote, j’ai nommé securitman, il ne peut plus se passer de moi ou quoi ? Et alors que je m’attendais à ce qu’il me demande un fois de plus de bien vouloir sortir, ou payer une amende pour tenue incorrecte, ou je ne sais quoi d’autre, il m’avait au contraire tendu un mot de billet, plié en quatre. « Pour vous, Mademoiselle. » et tourné les talons sans autre forme de procès.

Va mon frère, va trouver une autre souffre douleur !

Le cœur battant j’avais déplié la missive inattendue dans l’espoir d’y lire quelques lignes rédigées de la main de mon héros disparu en mer, enfin pas dans la Manche hein ! mais seulement dans la marée humaine de ce cocktail mondain, mais le message suivant griffonné à la hâte sur une vulgaire serviette en papier, m’avait mis les nerfs en boule.

« Jeanne, on ne reste pas, désolée, Théo veut rentrer à mon hôtel. On te laisse sa chambre, tes affaires y sont restées. Demande la clé à la réception, on les a prévenu. On se retrouve demain là bas. Bises. Lola »


******




J’étais absolument furax. Lola m’avait lâchement abandonnée pour aller à n’en pas douter s’envoyer en l’air avec son bonhomme germanique ! Et moi, j’étais là, seule délaissée par tous, telle une vieille chaussette dépareillée. Non pas que je regrette de ne pas avoir été conviée à venir partager leurs ébats amoureux. Mon Dieu non ! Mais quand même, elle aurait pu m’attendre !

Je sentais presque la fumée sortir de mes oreilles tandis que je traversai le hall du Palais des Festivals pour rejoindre la sortie. Bizarrement, que j’emprunte les portes vitrées dans ce sens là ne gêna aucunement le service de sécurité. Personne ne m’interpella pour me demander mon multi-pass. Je sortais, donc je n’intéressais plus les vigiles, ouf !

Il était très tard et il ne restait plus qu’une minuscule poignée de photographes aux abords du tapis rouge. Certains fumaient une cigarette, leurs énormes zooms au repos, d’autres discutaient avec quelques fans, fidèles au poste, toujours à l’affût du moindre visage célèbre à immortaliser sur photo argentique ou numérique. Bien sûr ils ne firent même pas attention à moi, vu que je ne servais plus d’accessoire d’ornement à une Very Important Personne, dont un simple cliché couleur leur aurait rapporté de quoi mettre du beurre dans leurs épinards. Mais je me fichais qu’ils m’ignorent, je les ignorais aussi de toutes façons.

Par contre, une fois que j’eus posé mes pieds nus sur le bitume dur et glacé des trottoirs de Deauville, je sentie mes orteils se recroqueviller sous cette nouvelle agression. Je regrettai amèrement d’avoir égaré les chaussures prêtées par Lola. Même si elles m’avaient paru apparentées à un instrument de torture lorsque je les avais enfilées un peu plus tôt dans la soirée, au moins m’auraient-elles permis d’isoler ma voûte plantaire du sol inhospitalier que j’allais devoir emprunter sur plusieurs mètres.

N’ayant pas d’autre choix, je m’armai de courage et tout en maudissant Lola intérieurement, j’entamai ma difficile progression vers l’Hôtel Royal. J’eus la chance de ne pas rencontrer d’obstacles odorants de type déjections canines, et je me retrouvai finalement assez rapidement devant l’hôtel de Théo.

La façade à colombages, typiquement normande était largement illuminée, lui donnant l’apparence étrange d’un paquebot. J’hésitai un court instant avant d’entrer dans ce luxueux bâtiment. Allait-on me mettre dehors comme une mal propre ? Je n’avais pas tellement envie de revoir le cerbère qui m’avait si peu gentiment accueilli le matin même et qui n’avait cessé de lorgner sur mon pauvre vieux sac.

Mais Lola avait écrit dans son message que je devais récupérer les clés à la réception et qu’ils étaient au courant. Je décidai donc de lui faire confiance mais tout de même, j’échafaudai en secret quelques ignobles plans pour me venger au cas où elle m’aurait menti. Bombant courageusement le torse, je poussai la lourde porte carrousel du bâtiment.

J’étais en train d’élaborer une technique de torture terrifiante, à faire pâlir les anciens de l’Inquisition, plus efficace que Jack Bauer lui-même, quand le réceptionniste tiré à quatre épingles qui m’avait regardai de la tête aux pieds, surtout les pieds, me tendit enfin la clé promise non sans avoir très professionnellement consulté son registre. Lola, bénie sois-tu ! Je rangeai mes idées de tortures machiavéliques dans un coin de mon cerveau, ça pourrait peut être bien resservir un jour.

Je retrouvai sans mal le chemin des ascenseurs. Devant les portes d’acier, je soupirai au souvenir de ma rencontre avec Wentworth à ce même endroit quelques heures plus tôt, un siècle plus tôt. Où pouvait-IL bien se cacher à présent ? Malgré mes recherches assidues dans toutes les parties accessibles du Palais des Festivals, je ne l’avais pas revu avant de partir, ni les Potter d’ailleurs. Ils semblaient s’être volatilisés dans la faille cosmique.

Pourtant, il n’y avait eu aucun courant d’air, et je n’avais pas entendu le vrombissement très particulier, presque musical, qui accompagnait systématiquement l’arrivée et le décollage du Tardis. Donc, il était impossible qu’ils se soient réfugiés à l’intérieur du fameux vaisseau spatial intemporel.

Oui mais alors, où était-Il donc passé ? Tout en appuyant sur le bouton lumineux qui fit grimper l’ascenseur vers les étages supérieurs, je songeai qu’IL avait probablement été alpagué par quelques journalistes, ou professionnels du cinéma. IL était quand même là pour le boulot. Pour faire la promo de la série et du prochain film dans lequel on LE découvrirait à l’automne, d’après ce que j’avais pu lire dans la presse spécialisée. Certes, mais IL m’avait quand même joliment snobé tout à l’heure. IL s’était subitement évanoui dans la nature sans un mot alors que la seconde d’avant IL m’offrait un sourire ravageur, et montrait tous les signes d’un homme concerné par mon bien-être. Et mon bien-être dépendait grandement de LUI. Franchement, c’était à n’y rien comprendre ! De plus, je commençais à être franchement fatiguée, et tout cela me prenait la tête gravement !

Après avoir foulé avec plaisir l’épaisse moquette des couloirs de l’hôtel, un vrai bonheur pour mes pieds nus, je refermai enfin la porte de la chambre derrière moi. Je m’appuyai épuisée contre le panneau de bois, et le silence apaisant de la pièce m’envahit agréablement. Elle était restée exactement dans l’état où nous l’avions laissée. Personne n’était venu faire le ménage durant notre absence. Théo avait sûrement exigé du personnel de l’hôtel que l’on ne touche à rien chez lui, c’était tout à fait son genre.

Les vêtements que Lola avaient portés dans la journée étaient éparpillés sur le sol et sur le lit. Le sac qui avait contenu la robe griffée offerte par Théo gisait à demi arraché sous la fenêtre. J’avançai lentement au milieu de tout ce bazar qui m’était familier vu que je n’étais pas non plus la reine du rangement. Sans avoir besoin de trop chercher, je repérai mon sac ADIDAS, intact. Je retrouvai aussi mes chaussures, ainsi que mon jupon noir et mon haut du même coloris Je les avais négligemment abandonnés sur le dossier d’un fauteuil avant d’enfiler la robe prêtée par ma fofollette de copine.

Ah ! celle là, malgré tout, si elle n’avait pas existé, il aurait fallu l’inventer. Finalement, sans Lola et son boulot de photographe, jamais je n’aurais eu la chance de me trouver ici, ni de porter ce genre de fringues hors de prix. Ni par ricochet de vivre ces instants uniques avec LUI.

Avant de commencer à me dévêtir de ma robe de Cendrillon pour redevenir une simple petite souillon, je caressai une dernière fois le tissu soyeux du vêtement. Le noir était assurément ma couleur favorite, néanmoins je ne garderais que de bons souvenirs de cette petite robe rose poudrée qui m’avait fort bien rendue service, et qui avait été témoin de tant de choses aujourd’hui. J’eus un léger pincement au cœur au moment de la dégrafer.

C’est alors que je réalisai horrifiée que mon décolleté ne contenait plus le fameux bâton de rouge à lèvre. Malheur ! Il avait dû glisser à mon insu et je l’avais bêtement perdu. Une lueur d’espoir me fit espérer qu’il se trouve quelque part entre ici et le hall de l’hôtel. Car je ne me voyais vraiment pas ressortir dans la rue et revenir sur mes pas pour le retrouver.
En un éclair, j’enfilai ma vieille paire de Docs usées dans laquelle je me sentis aussi à l’aise que dans des chaussons, et je fonçai dans le couloir. Je débutai sans tarder mes investigations, le nez rivé sur le sol à la manière d’un Sherlock Holmes du Dimanche. Chemin faisant, je pestai contre moi-même et surtout sur ces tenues de soirée, certes jolies, mais totalement dénuées de poches, et dont le côté pratique laissait grandement à désirer. Peut être que je n’en garderais pas de si bons souvenirs en fin de compte.


Hourra
! La chance était avec moi car je découvris rapidement l’objet du délit qui avait roulé dans un coin face à l’ascenseur. Je me penchai prestement pour le ramasser et le renvoyer illico dans sa cachette, au moment précis où le bruit de la cage d’ascenseur se fit entendre, assorti du « ding » annonciateur de l’ouverture des portes.

Ce n’était pas vraiment le Tardis, mais avec un peu d’imagination, ça aurait pu y ressembler. Toujours est-il que ce ne fut ni Rose, ni le Doctor qui émergèrent de la cabine de métal, mais LUI, seul, sans Converses, ni T-Shirt aux couleurs de l’Union Jack. Evidemment, pile au moment où le petit courant d’air produit par le mouvement des portes souleva malicieusement le bout de tissu ridiculement court censé dissimuler ma petite culotte. Je me redressai juste une seconde trop tard et à en juger par la mine réjouit de mon unique spectateur, IL n’avait rien manqué de la scène.


Ben voyons, rince toi l’œil, mon gaillard. Tu ne perds rien pour attendre !


Malgré l’effet de surprise provoqué par SON arrivée inopinée, j’étais bien décidée à ne pas craquer devant SES beaux yeux et SA bouche en cœur, mais je voulais LUI faire comprendre qu’IL n’avait pas le droit de jouer avec moi comme ça. IL ne pouvait pas éternellement apparaître et disparaître, concept très Whoesque, en me laissant croire que quelque chose pouvait naître entre nous. IL avait beau être célèbre, IL n’était pas pour autant exempté de bonnes manières.

Après m’être assuré que ma robe avait bien repris sa place, je croisai les bras et m’efforçai d’arborer mon air le plus inamical, celui que Lola appelait pour me taquiner mon légendaire air aimable. IL comprit instantanément et quitta l’expression amusée qu’IL avait affiché en matant mon popotin à la sortie de l’élévateur. Dès qu’IL commença à parler, le son de SA voix fabuleusement sensuelle faillit me faire perdre mes bonnes résolutions, mais je tins bon.

« Jean, je pensais justement à vous. Je me demandais comment vous retrouver. Et une fois de plus, le destin vous met sur ma route… »

En même temps mon Coco si tu ne t’étais pas débiné comme tu l’as fait, t’aurais pas eu besoin de me chercher !

« Je tenais à vous dire que je suis vraiment désolé… »
« Ah,… encore ? C’est la deuxième fois que vous êtes désolé ce soir. Est-ce une habitude chez vous, Wentworth ? »

IL encaissa ma remarque sans broncher, et je sentie ma détermination vaciller légèrement devant SON air coupable.

« Je vous présente mes excuses. Vous avez toutes les raisons d’être fâchée car je n’aurais jamais du partir comme ça tout à l’heure… »
« Non, en effet, ce n’était pas très poli. »

J’enfonçai un peu plus le clou. Après ce qu’IL m’avait fait endurer émotionnellement aujourd’hui, je n’allais pas LUI faciliter la tâche. Visiblement embarrassé, IL frotta la paume de SA main gauche avec SON pouce droit, comme s’IL tentait d’en chasser une douleur imaginaire.

« Croyez moi, ce n’est pas dans mes habitudes. C’est juste que…je…devais partir… »

Et c’est tout ? Va falloir faire mieux l’ami. C’est pas très efficace là !

Je restai muette et au lieu de lui tendre la perche salvatrice qu’IL attendait, je me contentai de hausser un sourcil interrogateur. Je LE vis baisser la tête, puis la relever presque aussitôt, bravement comme s’IL se préparait à affronter SES pires angoisses.

« Jean, je devais passer un coup de fil important. Je ne pouvais pas continuer à vous voir et à …échanger tous ces moments avec vous tant que je n’avais pas réglé certaines choses. Vous comprenez ? »

J’avais peur de comprendre, en effet. IL poursuivit et SA voix n’était plus qu’un souffle imperceptible :

« J’ai une… amie …chez moi, aux Etats Unis. Elle s’appelle…Sarah. Nous sommes très proche et nous avons…une histoire en commun, mais …elle est mariée et … » IL stoppa SA phrase comme s’il LUI devenait trop pénible d’en dire plus.

Mon Dieu, ça y est !

J’étais suspendue à SES lèvres, abasourdie qu’IL se livre à moi aussi sincèrement. Les traits de SON visage étaient sillonnés d’une tristesse que je me sentis terriblement coupable d’avoir provoqué en L’obligeant à me fournir des explications sur SON comportement fuyant. Je quittai mon attitude austère et décroisai les bras en disant :

« Je suis vraiment désolée, je n’aurais pas dû… »
« Voilà que c’est vous qui êtes désolée à présent ! »

IL ébaucha un semblant de sourire triste qui acheva d’abattre complètement les murailles bien fragiles que j’avais érigé contre LUI. Sans avertissement, IL enveloppa délicatement mes mains entre SES deux larges paumes, fraîches et douces comme du satin.

« Ne le soyez pas. Vous n’avez rien à voir dans tout cela. C’est ma faute. Je voulais être sincère avec vous. Je ne pouvais pas vous mentir alors que votre regard…est si pur, si honnête. Jean, vous me déstabilisez. Je ne comprends rien à ce qui m’arrive.... »


Et moi donc !


IL était dangereusement proche de moi, et je sentais SON haleine légèrement citronnée contre ma joue.

« J’aimerais vous parler, si vous voulez bien. Mais pas ici, pas dans cet endroit. Puis-je … vous proposer un verre ? Ma suite est juste au bout du couloir. »
IL m’indiqua une porte située complètement à l’opposé de celle de Théo.

IL m’invite dans SA chambre ?Baboum !

Mon cerveau se mit à travailler à cent à l’heure, mais il ne me fut d’aucune utilité car il était bien incapable de produire une seule pensée raisonnable.
Devais-je accepter son invitation ? Je n’en savais rien. Etait-Il sincère ? Je voulais le croire mais je ne pouvais pas en être sûre. Qu’est ce qui m’attendait là bas ? Je l’ignorais mais je mourrai d’envie de le découvrir. D’une toute petite voix timide, je m’entendis LUI répondre :

« Pourquoi pas. Je vous suis. »

IL sembla se détendre d’un coup, et recula pour me laisser passer en déclarant dans un français attendrissant :

« Allons-y. »

Je fus heureuse de constater que ma réponse LUI avait rendu un semblant de gaieté Nos mains se quittèrent et je me dirigeai confiante vers la porte qu’IL m’indiqua d’un signe.

En marchant à ses côtés, je LE vis jeter un œil sur mes Docs dont je n’avais même pas pris le temps de nouer les lacets. IL ne fit aucun commentaires et j’eus la sensation qu’IL craignait de me vexer.

Voilà ce qui arrive quand on veut jouer à la femme froide et insensible.

Le trajet jusqu’à SA chambre ne fut pas bien long, et une fois devant la porte, Il extirpa une clé de SA poche de pantalon, et glissa l’objet dans la serrure pour enclencher le mécanisme d’ouverture. J’étais fascinée par SES longues mains en mouvement. J’aurais pu LES regarder bouger pendant des heures sans me lasser, tant leur grâce et leur finesse me transportaient.

Prévenant et complètement inconscient de l’effet que SES gestes anodins produisaient sur moi, IL alluma la lumière dans la pièce avant de me laisser entrer la première. Ainsi, je pénétrai dans SON intimité avec une prudence mâtinée d’une bonne dose d’émotion. Si la chambre de Théo était un désordre monumental, celle de Wentworth était impeccablement rangée. Pas un seul vêtement froissé ne traînait par terre, aucun magazine n’était resté ouvert sur la table, pas non plus de bouteille vide ou de sac déchiré. Tout était parfaitement nickel.

J’admirai le mobilier d’une grande élégance. Une superbe commode et deux fauteuils de style Empire encadrés un somptueux canapé en velours carmin. De lourdes tentures de velours foncés masquaient les immenses fenêtres. J’étais médusée devant tant de luxe et de raffinement. IL avait parlé d’une suite bien sûr et non pas d’une simple chambre. Quelque part je me sentie plus à l’aise avec l’idée que le lit ne trônait pas au centre de la pièce.

« Asseyez vous, je vous en prie. Qu’est ce que vous buvez ? »
« Oh, un simple jus de fruits, ça sera très bien. »

Les deux coupes de champagne que j’avais bu durant le cocktail étaient largement suffisantes pour la soirée, je me sentais déjà un tantinet grise et je préférai éviter les mélanges douteux pour garder la tête froide le plus longtemps possible.

D’un geste gracieux, IL ôta SA veste de smoking, et mes épaules frissonnèrent au souvenir du récent contact de ce tissu onéreux. IL la déposa soigneusement sur le dossier d’un fauteuil, puis entreprit de retrousser SES manches l’une après l’autre. Je notai mentalement qu’aucun tatouage n’ornait SES avant bras musclés. Encore un aspect de SON personnage dans la série qui n’avait rien à voir avec SA véritable personnalité. IL capta mon regard et devina aisément ma pensée. IL sourit :

« Et non… pas de tatouages. Déçue ? »
« Non, bien sûr que non. Je n’ai jamais cru que … »

Quelle idiote ! Etais-je vraiment obligé de lui dévoiler que j’étais incontestablement fan de SA série et du détenu qu’IL y interprétait, tatoué sur la totalité des bras et du torse ? Oui, après tout, c’était la vérité et je ne me voyais pas LUI mentir.

« Ben, en fait, j’adore votre personnage dans la série. Je trouve que vous jouez super bien et que vous avez su le rendre attachant…émouvant même. »


Quelle originalité ! T’es bien la première à lui dire ça !! Ma pauvre Jeanne…


« Oh ? Vous le pensez réellement ? Et bien, merci, ça me touche. Mais vous savez, le scénario est tellement bon que ça facilite beaucoup mon travail. »
« Oui, je suppose mais quand même… »

Banalité quand tu nous tiens…

IL ouvrit la porte du mini bar et en sortit deux petites briquettes de jus d’orange qu’IL secoua énergiquement avant de s’emparer de deux verres judicieusement préparés par le personnel de l’hôtel, toujours désireux d’anticiper les besoins des clients. Je m’étais assise sur le canapé, et je l’observai. A vrai dire, je LE dévorais des yeux, ne voulant pas perdre une miette de SES mouvements. IL déposa verres et bouteilles sur la table basse qu’IL contourna ensuite pour venir s’installer à mes côtés.

« Je vais boire la même chose que vous Jean, je crois que ça vaut mieux … » avoua-t-IL avec une pointe d’ironie embarrassée.
Se pouvait-IL vraiment qu’IL soit aussi intimidé que moi ? LUI, Wentworth Miller ? Le charmeur de ses dames ?

« Bon, en même temps vous n’avez pas à prendre le volant pour rentrer chez vous. Ca devrait aller. » dis-je en riant, et je mimai Mister Bean tenant un volant imaginaire, et zigzaguant de droite et de gauche. IL rit devant ma tentative navrante pour détendre l’atmosphère qui commençait à devenir un peu trop chargée à mon goût.

« Et puis, tant que vous ne vous comportez pas comme le goujat imbibé d’alcool qui sort avec mon amie ! »
« Oh, le photographe allemand ? Oui, j’ai cru remarquer qu’il avait un petit souci avec la boisson. » rétorqua-t-IL poliment tout en remplissant nos verres de jus d’orange.
« Vous ne l’appréciez pas beaucoup on dirait ? »
« Théo ? » je fis mine de réfléchir avant de répondre « Non, je ne l’aime pas, et finalement je n’ai pas vraiment envie de parler de lui en ce moment. »
« C’est parfait parce que moi non plus. »

IL me tendit mon verre et nos doigts se frôlèrent au passage. Je sus qu’IL avait ressenti le même frisson que moi à ce contact car IL riva SES yeux dans les miens et murmura :

« Jean… »
« Oui ? »
« Vous me troublez. Je suis certain que vous aussi vous ressentez ce …sentiment. Comme un lien invisible entre nous. Je ne sais rien de vous et pourtant … »
« … »

SA voix tremblait et SA main aussi, à peine, mais suffisamment pour qu’IL soit obligé de détourner la tête et de reposer SON verre sur la table basse. IL se frotta les paumes l’une contre l’autre comme pour se donner une contenance.

« Mon Dieu, vous ne direz donc rien pour m’aider !? » lâcha-t-IL avec un petit rire forcé qui en disait long sur son mal-être.

Pour toute réponse, je me débarrassai aussi de mon verre. J’enveloppai doucement SES deux mains dans les miennes et les serrer tendrement.

« Je crois…je crois que c’est pareil pour moi mais …je n’ose pas …vous êtes…tellement… »
« Tellement …?… Je suis un lâche, voilà ce que je suis !… » s’emporta-t-IL subitement.

… ? J’ai dû rater un épisode.

Je ne comprenais pas vraiment ce retournement de situation des plus imprévisibles que j’accueillis avec perplexité. Moi qui me voyais déjà goûter à la douceur d’un baiser, j’eus en compensation le privilège d’une confession qu’IL débita comme on se libère d’une souffrance trop longtemps contenue.

« Tout à l’heure, l’amie dont je vous ai parlé…Sarah…je l’ai appelé pour lui annoncer que c’était terminé et que nous ne pouvions plus nous voir. Hormis dans le cadre du travail. Je lui ai dit cela par téléphone ! » IL semblait bouleversé. « Depuis, elle n’arrête pas de m’appeler et je…ne réponds pas… »


Oh !?… Ooooh…


C’était donc cela, et je ne m’étais pas trompée IL avait passé la soirée à penser à elle et ils avaient échangé plusieurs coups de fil. Mais j’avais du mal à assimiler la partie la plus importante de SA révélation. IL l’avait quitté ?! Justement aujourd’hui ?!

Par téléphone par contre, hum… pas très galant tout ça.

Mais au lieu de m’apitoyer sur la pauvre Sarah qui avait dû morfler sévèrement, c’était Wentworth Miller quand même, je me demandais curieuse, à quel moment précis IL lui avait annoncé cette triste nouvelle ? Avant ou après notre presque baiser sur la plage ?

Tu m’étonnes que SON téléphone n’arrêtait pas de sonner !

J’étais sidérée et néanmoins incroyablement flattée qu’IL se livre ainsi à moi. La fissure qui venait d’apparaître dans la belle armure argentée de mon chevalier n’était pas pour me déplaire. IL n’était pas l’homme parfait que s’obstinaient à nous présenter les magazines People. L’image en papier glacé qui s’étalait sur la double page n’était que la partie visible de l’iceberg, une infime partie de cet être vivant, complexe, vulnérable, avec SES imperfections, SES chagrins, SES regrets…IL bougea les doigts et je frémis sous la caresse de ce simple geste.

« Vous devez me trouver bien insensible. Je ne suis pas celui que vous imaginiez… »


Oh que si …


Je me gardai bien de dire un seul mot, LE laissant continuer.

« Pourtant, mes sentiments pour elle ont toujours été sincères. J’ai cru…si elle avait été libre. Mais ces derniers temps notre relation, », IL reformula SA phrase, honteux, « notre liaison devrais-je dire, s’est dégradée. C’était trop compliqué. La presse…devoir se cacher, se justifier sans cesse. Je ne pouvais plus endurer tout cela, mais elle n’a pas compris. »

Oh, là ! J’appréciai énormément SES confidences mais en réalité, je n’étais pas vraiment certaine d’avoir envie de L’entendre me relater tous les détails de leur amour contrarié. Je sentais la pointe acérée de la jalousie me titiller avec insistance.

« Jean, si je vous raconte tout cela c’est que… »


Mon Dieu, que s’apprête-IL à dire à présent ?!


J’étais profondément troublée par l’intensité de SON regard qu’un éclair de lumière artificielle venait frapper, provoquant un effet de transparence sur l’iris nacré, aussi clair et scintillant qu’une pierre précieuse. Je n’aurais su dire avec certitude quels sentiments s’y reflétaient mais à n’en pas douter, ils étaient nombreux et contradictoires.

« …Lorsque mon agent m’a annoncé que j’avais des engagements à tenir ici, j’ai profité de cette occasion pour…fuir. Je vous l’ai déjà dit, je suis arrivé dans cette ville, désabusé, et sans but mais j’avais pourtant ce sentiment étrange que quelque chose m’y attendait. Et puis, je n’ai pas cessé de vous croiser. Vous, si radieuse, si différente au milieu de tous ces gens qui jouent un rôle en permanence autour de moi, qui attendent tous quelque chose de moi, qui ne sont jamais naturels. Oh, Jean, vous êtes une bouffée d’air pur dans ma vie … »

Baboum, baboum, baboum !!


IL se pencha vers moi…

Baboum, baboum, baboum !!


IL sentait terriblement bon…

Baboum, baboum, baboum !!

Et puis ...

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“Jean, I was thinking of you. I was wondering how I would find you. Then, once more, you jumped in front of me…”

“I need to tell you how sorry I am…”

“Ah ? …Again ? It’s the second time you’re sorry tonight. Are you used to it, Wentworth ?”

“I must apology to you. You’re perfectly right to be angry at me, for I should never have left you like I did…”
“No, indeed, it was not very polite”

“Believe me, it’s not in my habits. That’s just that …I…had to go…”

“Jean, I had an important call to give. I couldn’t go on and meeting you,…exchanging all these moments with you since I had not fixed something. Can you understand ?”

“There is this friend of mine, back home, in the United States. Her name is…Sarah. We are very close and we…have a history, but she is married and…”

“I am truly sorry, I shouldn’t have…”
“Here, you’re the one to be sorry now…”

“Don’t be. You have nothing to do with it. It’s all my fault. I wanted to be sincer with you. I couldn’t lie to you while your eyes are so pur, so true. Jean, I don’t understand what’s happening to me…”

“I’d liked to speak to you if you agree. But not here, not in this place. May I …offer you a drink ? My suite is just at the end of the corridor.”

“Why not, you lead.”
“Allons-y”

“Sit down, please. What will you drink ?”
“Oh, a fruit juice would be fine.”

“No...no tattoos. Disappointed ?”
“No, of course not. I never thought...”

“Actually, I love your character in the show. I think you’re very good at giving him emotional aspect.”
“Oh, you really think so ? Well, thank you, I appreciate that. But you know, the scenario is so good that it makes things easier.”
“Yes, I suppose so, anyway...”

“It’s better if I drink the same as you do, Jean...”

“Well, you don’t have to drive to go back home anyway. It should be OK.”
“As long as you don’t behave like the alcoolic boyfriend of my friend.”

“Oh, the german photograph ? Yes, I noticed that he has a little problem with drinking. You don’t like him very much, do you ?”
“Théo, no, I don’t like him but I don’t really want to talk about him right now.”
“That’s perfect for I don’t either.”

“Jean…”
“Yes?”
“You trouble me. I’m sure that you feel it too...that feeling. It’s like a link between us. I don’t know you, and even...”

“God, won’t you say something to help me out ?”

“I think...I feel the same but...I’n not sure...you are so...”
“So what ?...I’m a coward, that’s what I am!”

“Later on, I called my friend, Sarah, to tell her that it was over, and that we could not see each other anymore, except for our work. And I told her this on the phone. Since then, she keeps calling me but I don’t answer the phone...”

“You must think I’m bad. You’re not the one I thought...”

“Nevertheless, my feelings have always been sincere towards her. I thought, if she had been single. But lately, our story, I mean, our affaire started to fall appart. It was too complicated. The medias...hiding and lying constantly, I could not bear it anymore but she didn’t understand.”

“Jean, if I’m telling youthis it’s because...”

“When my agent asked me to come here for promotion, I took this opportunity to runaway. I already told you that when I arrived in this city, I felt lost, I had no real goal, but I knew that something was waiting for me here. Then I kept meeting you. You’re so lovely, so different from all these people around me, playing a role, just expecting something from me, never true. Oh, Jean, you’re like a breath of fresh air in my life...”

lundi, août 25, 2008

Chapitre 14 : Tu t’es vu quand t’as bu ?

Note : Afin de faciliter la lecture des non-anglophones, les dialogues sont traduits en anglais à la fin du chapitre.

J’avais toujours l’appareil téléphonique entre les mains lorsque mon copain le vigile déboula vers nous d’un air qui ne disait rien qui vaille. Je pensai qu’il venait pour nous interdire d’utiliser ce démon sonore miniature, et je fourrai rapidement le combiné dans une poche de la veste. Ne voulant pas lui laisser le loisir de nous sermonner, je lui offris aussitôt un sourire enjôleur en lui promettant que j’avais coupé le son, et que je ne risquai plus de gêner quiconque avec la sonnerie. Mais mon sourire pourtant accompagné du décolleté plongeant de Lola, ne dut pas être suffisamment convaincant pour ce gorille hors de sa cage car sans desserrer les dents il me lança :

« Mademoiselle, on m’envoie récupérer la veste de Mister Miller. Si vous voulez bien… »

Il tendait déjà un bras impératif et non équivoque.

On l’envoie récupérer la veste de Mister Miller ? Trop surprise pour réagir, je restais inerte, les bras ballants. Qui ?…mais bien sûr, SON attachée de presse…qui d’autre ?

Pressentant la riposte acérée de Lola que je devinais fulminante près de moi, je me dépêchai de poser une main apaisante sur son bras. Il n’était pas nécessaire de se faire encore remarquer ce soir, je commençais vraiment à avoir ma dose d’affrontements perdus d’avance avec cette armée de vigiles sans cœur. Je me parai donc cette fois de mon sourire le plus respectueux, et tout en lui répondant poliment qu’il n’y avait aucun soucis, j’entrepris de me délester de SA veste. J’admets que je n’en avais plus vraiment besoin, bien au contraire, je commençais plutôt à avoir trop chaud. Néanmoins, mon cœur se serra et je ne pus retenir un plaisant frisson lorsque le satin de la doublure glissa sur ma peau nue pour quitter définitivement mes épaules. Alors que je lissais machinalement le précieux vêtement avant de le remettre au gentil monsieur en noir, une effluve de SON odeur qui s’était nichée dans le tissu vint sournoisement titiller mes narines. Je me surpris à fermer les yeux et à respirer à fond cette bouffée de LUI.

Instantanément, je fus propulsée de nouveau sur la plage. IL était là, face à moi, mes deux mains étaient posées sur SON torse et la chaleur de SON corps se propageait sous mes doigts. SON visage se penchait lentement vers le mien, et cette odeur, SON odeur m’enveloppait avec délice, me portait vers un univers de douceur, m’enivrait tel un parfum capiteux.

« Jeanne ? »

La voix gênée de Lola me fit rouvrir les paupières, et c’est rouge de honte que je tendis la veste à l’homme de la sécurité qui me regardait d’un air atterré. Je me comportais comme une fan transie et stupide en possession d’un objet sacré appartenant à son idole. C’est peut être bien ce que je suis en réalité…une simple fan …car si j’étais plus que ça, IL serait là avec moi, et IL me demanderait LUI-MEME de lui rendre SA veste, ou de la garder…

Avant que je n’ai pu demander si Mister Miller avait, par le plus grand des hasards, laissé un message à mon attention, ou demandé de mes nouvelles, ou juste prononcé mon nom, la grande brute insensible tourna les talons sans même me remercier, emportant avec lui ; veste, téléphone portable, et odeur suave. Même la poitrine généreuse de Lola n’eut pas droit au traditionnel coup d’œil masculin appréciateur. Le boulot, c’est le boulot ! Mon amie pinça le nez en regardant s’éloignant ce malotru sans intérêt.

« Qu’il s’en aille avec SA veste après tout ! T’inquiète pas Jeanne, je suis certaine qu’IL saura venir te retrouver LUI MEME dès qu’IL le pourra. IL doit être accaparé par les journalistes et les gens du métier, c’est pour ça qu’IL a dû partir tout à l’heure. »

Clairement, elle essayait de me rassurer, elle avait bien compris que je me posais tout un tas de questions, et même si elle ne connaissait pas réellement toute l’histoire de ma rencontre avec Wentworth, elle me connaissait moi. J’avais toujours été hyper sensible dans tous les domaines, je pleurais très facilement, mais je m’enflammais aussi très vite, ce qui m’avait valu moult déprimes et plus d’un cœur brisé.

Le « Oui » mal assuré que je lui renvoyai ne fut que le reflet de mon désarroi. J’étais sur le point de tomber amoureuse de LUI, en chair et en os, et non plus seulement du personnage public que j’avais connu jusqu’alors. Je l’avais côtoyé de près, j’avais cru L’approcher dans son intimité, LUI, sans artifice, au naturel. L’admiration que j’avais connu pour LUI s’était transformée en autre chose. Je voulais LE connaître, mais pas parce qu’IL était célèbre, ni pour frimer auprès de mes amies, ou narguer les autres fans en me pavanant à SON bras. Non, je voulais mieux LE connaître car je devinais qu’IL était exceptionnel et qu’IL recelait au fond de LUI des trésors insoupçonnés. Sur la plage, j’avais pratiquement touché du doigt, enfin frôlé du bout des lèvres, une infime partie de SES merveilles cachées. J’avais eu la sensation étrange mais réelle qu’IL était près à me laisser L’atteindre, et LE découvrir. Comme s’IL était près à s’ouvrir à moi, et en même temps désireux de me connaître aussi.

Serais-je assez prétentieuse pour croire que je pouvais LE combler, et LUI apporter une once de ce dont IL pouvait avoir besoin ? De quoi avait-IL besoin d’ailleurs ? IL avait déjà tout : réussite, argent, talent, célébrité, amour… Amour ?

Tous ces coups de fils. C’était elle, Sarah. SA partenaire à l’écran, SON amie dans la vie. Et aujourd’hui, j’avais eu plusieurs fois la preuve qu’elle essayait de le joindre. J’étais absolument persuadée que c’était elle à l’autre bout du fil quand je L’avais vu téléphoner derrière le pilier, puis quand SON portable avait sonné sur les planches. De plus, SON attachée de presse LUI avait dit que quelqu’un d’important cherchait à LE joindre, et là encore quelques minutes plus tôt, cet appel.

« Arrête tout de suite de te torturer, t’as compris ! »

Lola me secoua le coude énergiquement. Elle avait probablement vu mon visage se décomposer et deviné le cheminement de ma pensée. Décidément, j’étais incapable de cacher mes émotions ou alors elle me connaissait vraiment trop bien.

« Je te dis que je suis sûre qu’IL va essayer de te revoir. Crois-moi, j’étais là quand tu jouais à La Belle au Bois Dormant, et j’ai vu avec quels yeux IL te regardait. Franchement, ma Vieille, je sais pas si tu m’as tout raconté sur votre rencontre… »

La pointe de soupçon qui filtrait dans sa voix me fit baisser les yeux, elle était redoutablement perspicace mais je refusai obstinément de lui parler du presque-baiser.

Après tout, IL n’avait pas voulu répondre à cet appel qui avait gâché notre moment d’intimité, IL avait même pesté contre cette interruption. Qu’avait-IL dit ensuite : « Ce n’est pas important ». Pas important, est ce que cela voulait dire : moins important que d’être avec moi ?

Un franc sourire réussit miraculeusement à se faufiler hors de mon cerveau tortueux, et vint éclore sur mes lèvres. Il fallait que je positive, que je me focalise sur le bon côté des choses, et que je profite !

Lola et moi étions toutes les deux au Festival de Deauville, dans l’enceinte même du Palais. Nous avions réussi à nous faire inviter à cette soirée, au milieu des stars, ce qui était déjà plus qu’inespéré. Bon si on occultait le fait que c’était grâce à Théo, c’était juste génial !

Par dessus le marché, j’avais traversé le tapis rouge aux bras de mon Prince Charmant devant la France entière. Que dis-je !? Devant le monde entier !

Ensuite, nous avions croisé Antôôônio, et bénéficié de la meilleure vue possible sur son irrésistible sourire ibérique.

Puis, bien que les toilettes du Palais ne soient pas répertoriées comme l’endroit le plus approprié où se forger des souvenirs uniques, j’y avais rencontré la fabuleuse Julia Roberts qui m’avait généreusement offert son bâton de rouge à lèvres, et prodigué quelques bons conseils très féminins. Je portai la main à mon décolleté, et tâtai en souriant la forme allongée du tube de maquillage que j’y avais glissé. Rien que ces petits moments exceptionnels vécus en l’espace de quelques heures auraient pu suffire à rendre ce séjour inoubliable.

Or, il y avait eu LUI, la cerise sur le gâteau. J’étais venue à Deauville avec l’espoir fou de LE voir en vrai, tout simplement, et d’assister à la conférence de presse qu’IL donnerait le lendemain. Mais le destin m’avait réservé bien mieux que cela. Beaucoup mieux que cela. Et la suite ne pouvait que s’annoncer encore meilleure. La nuit était loin d’être terminée, et d’après ce que m’avait dit Lola, IL était censé rester 2 jours dans cette ville. C’était court mais suffisant pour qu’on arrive à se revoir. Et j’étais sûre à présent que Lola avait raison, et qu’IL allait essayer de me revoir. J’en étais certaine !

Souriant de toutes nos dents, Lola et moi volâmes tels deux papillons vers la lumière qui inondait la salle du cocktail, attrapant au passage deux coupes de Champagne disposées sur un plateau de service. Nous papotions joyeusement, profitant du moment tout en observant les célébrités qui nous entouraient.

Woody Allen était là en grande conversation avec une jeune et jolie blonde à la coiffure sophistiquée que je me souvenais avoir déjà vu dans plusieurs de ses films. Elle riait à ce qu’il lui racontait et il semblait ravi de sa réaction. D’autres invités dont Madame Allen accompagnée du Président du Festival, Clint Eastwood et de sa tendre moitié au visage moins célèbre, s’approchèrent du couple, et prirent part activement à leur discussion.

Un peu plus loin, je remarquai Edouard Baer, qui avait fait rire tout le monde en jouant impeccablement le rôle de maître de cérémonie pour cette soirée d’ouverture. Il répondait aux questions d’une journaliste qui lui braquait sous le nez un micro à l’effigie d’ARTE.

J’avais l’impression de rêver, et je songeai qu’en règle générale je n’assistai à ce genre d’événement que par le biais de mon petit écran.

Lola ajouta une dose d’incrédulité à mon état d’euphorie, en me montrant du doigt un groupe de personnes à notre droite. Le couple le plus people du moment se tenait parmi eux, et j’admirai, rêveuse et un brin envieuse, le ventre vraiment très rebondi de la magnifique femme brune qui se tenait aux côtés de son vraiment très canon de mari. Je ne les avais pas vu arpenter le tapis rouge, ni poser pour les photographes mais de toute évidence Mr and Mrs Smith étaient bien là à quelques pas de moi. On ne peut plus épanouis et à l’aise, devisant avec leurs semblables.

Je distinguai aussi dans la masse de visages tous plus connus les uns que les autres, la tignasse rouge et bouclée de ma donatrice en maquillage. Je racontai alors à Lola mon passage aux toilettes, et lui montrai pour preuve l’objet en question que j’avais extirpé tant bien que mal de sa cachette. Elle se retint difficilement de hurler, et me fit promettre que je lui permettrais de l’utiliser, ce que je lui accordai bien volontiers étant donné que je n’avais jamais été une fana de rouge à lèvres, et que je ne m’en servirais certainement pas très souvent.

J’étais entrain de ranger le tube à sa place en tâchant d’être le plus discrète possible au milieu de cette foule de personnalités, quand une voix familière nous interpella.

« Alors les filles, ça gaze ?! »

Théo nous rejoint, et s’agrippa aussitôt à Lola en affichant son air de propriétaire satisfait qui me hérissa les poils des bras. Il jeta un œil curieux vers ma poitrine.

« Qu’est ce que tu farfouilles là dedans, Jeanne ? Si tu crois pouvoir rivaliser avec Angelina Jolie, t’as encore de la marge !!! » crut-il bon de lancer en rigolant, et en s’enfilant une rasade de Champagne.

Espèce de débile profond va !

« Oh, Théo, ne soit pas méchant s’il te plait. Tu m’as dit toi même tout à l’heure que tu trouvais Jeanne très jolie dans cette robe ! »

Ma pauvre Lola, c’était avant qu’il soit complètement bourré. J’avais tellement honte pour elle. Comment ne pouvait elle pas se rendre compte du type exécrable avec lequel elle sortait ?

« Mouais, peut être…l’est pas mal…mais toi, t’es bien mieux roulée ma puce ! » ajouta-t-il en lui fourrant ostensiblement la main aux fesses.

Mon Dieu, je vais vomir !

Lola eut la décence de m’offrir un regard gêné mais une fois n’est pas coutume, ne repoussa pas les avances de son amant qui devait pourtant avoir une haleine plutôt chargée. Honnêtement, je ne comprendrais jamais ce qu’elle pouvait lui trouver, et de toutes façons, je ne souhaitais pas le savoir. Ce qu’ils vivaient à deux ne m’intéressait pas, mais pas du tout !

« Théo, mon cœur, tu voudrais bien aller nous chercher à boire ? Nos verres sont vides.» demanda Lola dans une tentative évidente pour l’éloigner de moi.

« A boire ! Mais oui, c’est à boire qu’il nous faut ! » chantonna-t-il vulgairement en levant sa propre coupe vide.

Non, pas ça, pas de scandale, pitié ! Sans avoir besoin de lever la tête, je sentais déjà les regards de reproches fuser dans notre direction.

Je m’apprêtais à filer à l’anglaise lorsque mes oreilles se mirent à bourdonner au son d’une voix merveilleusement charmeuse qui s'adressa à moi en américain :

« May I offer you a drink ? »

Mon attention détournée par le manège ridicule de Théo, ne m’avait pas permis de L’entendre arriver dans mon dos. IL était accompagné d’Alan Potter, le réalisateur de la série et de sa femme que nous avions déjà croisés devant l’ascenseur de l’hôtel Royal. A première vue, IL avait bien récupéré SA veste, et je ne pue m’empêcher d’admirer une fois de plus SON élégance racée. IL émanait de toute SA personne une aisance naturelle encore accentuée par la nonchalance de SA posture. Une main négligemment glissée dans la poche de SON pantalon de smoking, et l’autre munie d’un verre de champagne, IL avait toute l’apparence d’un aristocrate.

Mon cœur s’envola et je me sentie toute chose devant le magnifique sourire qu’IL m’offrit en ajoutant :

« Je vous cherchais. Mais que vois-je en vous trouvant enfin ? Votre verre est vide …Ttttt…»

De toute évidence, ils avaient tous les trois suivi une partie du mauvais numéro d’alcoolique joué par Théo, et IL secoua la tête amusé en me tendant SON verre, ce qui tira un sourire de connivence à SES deux compatriotes. Tandis que j’attrapai machinalement la flûte au breuvage pétillant, IL poursuivit aussitôt en s’adressant à SES amis :

«Alan, Janyce, je vous présente Jean, dont je vous ai parlé. Nous nous sommes rencontrés …devant La Manche… ».


Ces cinq mots « dont je vous ai parlé », flottèrent dans ma petite cervelle, m’enivrant plus sûrement que de véritable bulles de champagne.


«…et je ne suis pas près d’oublier notre charmant cours de géographie française…»


IL planta SES yeux droit dans les miens et je me sentie rougir jusqu’à la racine des cheveux au souvenir de la remarque de collégienne, tellement banale, que je LUI avais sortie sur le front de mer.


Du coin de l’œil, je pouvais voir la tête de Lola qui semblait prête à exploser, et celle de Théo totalement amorphe et désabusée. Les deux américains me saluèrent chaleureusement.


« Ravis de faire votre connaissance, Jean ! C’est vous la jolie française qui s’est évanouie dans les bras de Went ? »


Oh, IL leur avait raconté ça aussi ?


« Non…enfin, oui. J’ai eu un malaise mais ça va mieux. Je devais avoir un peu faim… »


Tu parles, j’étais affamée comme un chien errant, oui !…jolie française ?…


Alan et son épouse me regardaient avec une sollicitude sincère, ce qui me les rendit vraiment très sympathiques. J’aurais adoré savoir ce que Wentworth avait bien pu leur dire sur moi, mais je ne voyais pas comment les questionner sans avoir l’air trop curieuse.


Lola n’eut pas le même genre de scrupules et mit les pieds dans le plat, très largement et sans même ôter ses gros sabots.


« Alors comme ça, Wentworth vous a raconté la frayeur que Jeanne nous a faite ?! La vilaine ! »


Lolaaaaa ! C’est pas vrai !


Je la fusillai du regard mais elle m’ignora ouvertement, tournée vers Janyce, attendant une réponse. Cette dernière s’exécuta volontiers, et si elle se doutait du stratagème, elle n’en laissa rien paraître.


« Et bien, en effet. Nous étions étonnés de ne pas l’avoir revu dans la salle de projection. Lorsqu’il nous a rejoint, il ne portait plus sa veste et il nous a expliqué qu’une jeune et jolie française avait eu froid au bord de l’eau… »


Elle sourit en me regardant avec bienveillance, et c’est Alan qui poursuivit en se moquant gentiment de son ami :
« C’est tout Wentworth ! Il donnerait sa chemise pour rendre service ! Mais maintenant que je vois ce qui l’a motivé, je comprends mieux. »


Janyce hocha la tête, Lola rit un peu trop fort, et Théo continua d’afficher un air stupide. Wentworth quant à LUI arborait un petit sourire en coin et ne me quittait pas des yeux. Je toussotai, flattée de ce compliment détourné, et malgré tout un peu confuse d’être ainsi le centre de la conversation.


Lola vint involontairement à mon secours. Elle demanda aux Potter s’ils étaient déjà venus en France, ce à quoi ils répondirent que non et elle en profita pour proposer un toast en l’honneur de leur première visite au Festival de Deauville.


Wentworth choisit ce petit interlude pour s’adresser exclusivement à moi, SON visage affichait une mine sérieuse et concernée.


« Je suis sincèrement soulagé de voir que vous allez mieux, Jean. J’étais affreusement désolé de devoir vous laisser tout à l’heure…mais… »
« Non, non, ne le soyez pas ! C’était tout à fait normal. Vous avez des obligations…votre métier. Et puis, vous m’aviez laissé entre de bonnes mains. »


J’indiquai Lola et son poivrot allemand.


« Oui, j’ai effectivement fait connaissance avec vos amis lorsque j’étais à votre chevet. »
IL sourit en évoquant ce moment puis d’une voix aussi douce qu’un murmure, IL insista :
« Réellement, je suis soulagé de vous voir complètement rétablie. J’étais très inquiet… »

« Merci, oui, je vais mieux… »

A cet instant, il n’y eut plus que nous deux. Les autres invités, Lola, Théo et SES amis n’étaient plus que des silhouettes floues planant à l’orée de notre champ de vision. Je le regardais tout simplement et IL me renvoyait mon regard avec une intensité extrême qui aurait dû me mettre en transe mais que j’accueillais pourtant sereinement, naturellement.

IL était devant moi et je me sentais bien, en harmonie totale avec moi-même et avec chaque parcelles, chaque sensations de mon corps et de mon esprit. Je n’avais pas peur de faire un faux pas, de dire une nouvelle ânerie ou de bafouiller. Je ne craignais pas d’être mal coiffée, mal maquillée, ou mal fagotée dans une robe que je n’avais pas l’habitude de porter. Mon instinct me soufflait que tout cela n’était rien, et que je n’avais pas besoin d’être parfaite car IL savait déjà qui j’étais et que je LUI plaisais ainsi. Cette vérité m’envahit totalement et je sue qu’IL ressentait exactement la même chose comme deux êtres qui se connaissent depuis de longues années et qui n’ont plus besoin de communiquer oralement pour se comprendre. Je me sentais terriblement légère et belle…

« Jean… »

IL essaya de dire quelque chose mais SA voix se brisa étrangement, et je vis SON magnifique regard vaciller imperceptiblement. IL baissa subitement la tête en se passant une main aux longs doigts fébrile sur le visage. Je fus légèrement déstabilisée par cette réaction qui me ramena brutalement dans la réalité.

Durant notre moment ailleurs, Lola et les Potter s’étaient mis à discuter ensemble de la soirée, de la projection du film, et de leurs plannings respectifs. Au moment où je récupérai totalement l’usage de mes oreilles, ils étaient entrain de se donner rendez-vous le lendemain un peu après la conférence de presse pour que Lola prennent quelques clichés du couple pour ramener à son patron. Elle était quand même là pour le boulot, elle.

J’ignorais combien de temps Wentworth et moi étions restés muets et immobiles à nous observer mutuellement, mais pour que nos amis en soient déjà arrivé à se fixer un rendez-vous, de nombreuses minutes avaient probablement dû s’écouler.

Wentworth s’était reculé et restait à présent obstinément silencieux et étrangement soucieux. Sur le moment, je n’osai pas le déranger dans SON mutisme, et me contentai de me tenir sagement près de LUI, en attendant que les autres terminent leur discussion professionnelle. Finalement, moi non plus je n’avais pas trop envie de parler, j’avais besoin de digérer un peu les émotions que nous venions d’échanger, et je supposai que LUI aussi.

Pourtant, je notai avec étonnement qu’IL contractait les mâchoires, et semblait délibérément éviter de croiser mon regard.

Laissant son mari discuter avec Lola, Janyce me sourit poliment en demandant d’une voix grave à l’accent américain très prononcé :

« Vivienne Westwood ? »

Heureusement pour ma réputation, et grâce aux longues journées de shopping parisien en compagnie de Lola, je compris aisément qu’elle m’interrogeait sur la marque de ma robe, et non pas sur l’arbre généalogique de mes ancêtres. Tu ne gagneras pas ce soir Roi des Démons ! Et je ne me couvrirais pas de ridicule devant SES amis.

« Oui, c’est elle. J’aime beaucoup ce qu’elle fait. ».

Je tentai le tout pour le tout et me lançai sans filet en montrant sa propre tenue : « Armani… ? »

« Oui ! J’ai craqué en la voyant dans la boutique de l’Hôtel ce matin. Absolument fabuleuse vous ne trouvez pas ? »

En effet, sa robe était divine et très certainement divinement coûteuse. Ca allait souvent de paire dans le milieu de la mode.

Durant notre court échange, Wentworth n’avait pas bronché, et je me demandais même s’IL nous avait entendu. IL paraissait perdu dans SES pensées, et j’aurais donné n’importe quoi pour m’y perdre avec LUI. Je me creusais les méninges pour trouver quelque chose d’intelligent à ajouter quand Alan annonça d’une voix un peu plus forte :

« Et bien, Lola, c’est noté. On se voit donc demain avec plaisir pour les photos. »

Le réalisateur serra énergiquement la main de mon amie qui rayonnait littéralement. Puis le couple d’américains annonça poliment qu’ils avaient deux ou trois personnes à saluer. Ils se tournèrent vers Wentworth qui à ma grande surprise sauta sur l’occasion pour s’éloigner avec eux, non sans m’avoir lancé un dernier regard coupable qui me jeta dans un trou noir sans fond et dans la plus totale incompréhension.







“I was looking for you, and what do I find eventually ? You with an empty glass…Tttt…”


“Alan, Janyce, let me introduce you to Jean, whom I talked to you. We met…in front of La Manche…and I won’t forget that pleasant lesson of french geography…”


“ Nice to meet you Jean ! You’re the pretty french girl who fainted into Went’s arms ?”
“No...in fact, yes, I am. I was not feeling very well, but I’m OK now. I was probably just hungry...”

“So, Wentworth told you about how scary we were when Jeanne fell ? The nauty girl !”


“Indeed. We were surpised not to see him back to watch the movie. When he came back without his jacket on, he told us about a young and pretty french girl who was cold by the sea...”


“That’s really Wentworth ! He would give his shirt if it could help ! But now that I can see the object of his decision, I surely understand why he did that.”


“I’m glad to see that you’re going quite well, Jean. I was awfully sorry but I had to leave you later…”
“No, no, don’t be ! That’s absolutely normal. You have obligations…your job. And, you left me into good hands anyway.”


“Yes, we met indeed while I was lying beside you.”


“Really, I’m relieved to see you’re fully recovered. I was very worried…”
“Thank you, yes, I feel better…”


“Yes, exactly. I love what she does. Armani ? “
“Yes ! I couldn’t resist when I saw it in the shop of the hotel this morning. Absolutely fabulous, don’t you think ?”


“Well, Lola, it’s a deal. We’ll be glad to see you tomorrow for a shooting.”

vendredi, août 22, 2008

Chapitre 13 : “If it’s a dream...

…then let me sleep. Only wake me when, I’m in your arms again.”

La voix fluette et presque enfantine de Vanessa avait insidieusement infiltré mon esprit embrumé et me susurrait ces paroles qui semblaient écrites pour nulle autre que moi ce soir. Mais je ne voulais pas l’écouter, je refusais d’analyser quoi que ce soit au risque effectivement de réaliser que tout cela n’était qu’un rêve.

Pourtant, une autre voix, masculine celle-là, chanta dans ma tête, et mon sang se glaça lorsque les paroles déprimantes de Vinnie Cavanagh énoncèrent une vérité que je redoutais ; « …my fragile dreams would be broken… »

La mélodie magnifique et envoûtante de cette chanson d’Anathema que j’adorais explosa sans crier gare dans mon cerveau déjà complètement déboussolé, provoquant une effusion de sensations différentes ; tristesse, plaisir, souffrance, jouissance. Je sentie un sanglot gonfler ma gorge et j’entendis cette fois ma propre voix qui soufflait un « Non » misérable.

Que se passait-il ?

Alors, j’entrouvris les paupières et une lumière aveuglante agressa mes pauvres yeux. Je levai une main pour me protéger mais aussitôt quelqu’un l’attrapa et la serra délicatement, stoppant mon geste.

« Elle reprend connaissance. »

C’était Lola. Enfin, c’était bien sa voix mais je ne l’avais jamais entendu émettre de sons d’une tonalité aussi faible. Quelque chose clochait. Que signifiait cette note d’inquiétude que j’avais décelée dans sa phrase ? Qui donc reprenait connaissance ? Je ressentie une légère douleur dans la hanche qui me fit brusquement prendre conscience que j’étais à demi allongée sur le sol, le haut du corps adossé sur les jambes dénudées de mon amie à genoux par terre.

« Lola, qu’est ce que… ? » J’essayai de me redresser mais mon amie appuya doucement sur mes épaules pour m’obliger à rester immobile.

« Ne bouge pas ma chérie. Ca va aller mieux, quelqu’un est parti chercher de l’eau. »

« Hein ? Mais c’est quoi ce délire ?! »

Ma lucidité refaisait peu à peu surface, et je mis plus de conviction dans un second effort pour me relever, réussissant à m’arracher des bras sur-protecteurs de ma Lola. Je devinai sa totale désapprobation accentuée par le long soupir qu’elle laissa échapper mais elle me permit néanmoins de m’asseoir, sans prétendre pour autant me lâcher la main. Tu veux prendre mon pouls ou quoi, Abby ?

« Bah, tu nous as joué la scène de la jeune damoiselle qui tombe dans les pommes. Tu m’as foutu une de ces trouilles ! » Je devinai qu’elle était sincère et me sentis gênée sans trop savoir pourquoi.

« Moi, tombée dans les pommes ? Mais on est où ? »

Je jetai un œil hagard aux alentours. Nous nous trouvions dans le hall du Palais des Festivals. Ma vue se réhabituait lentement aux éblouissantes lumières qui ricochaient sur les balustrades rutilantes. A quelques pas de nous, je distinguai deux ou trois personnes, vêtues de smokings et robes de soirée. Ils nous observaient à la dérobée en chuchotant. Deux silhouettes sombres nous surplombaient et je dû me tordre le cou pour regarder leurs visages. Yark ! je ne pus retenir une grimace. Nous avions là, Théo, dans toute sa splendeur inutile, et …

« Mesdemoiselles, vous ne pouvez pas rester par terre, ce n’est pas correct. »

C’était l’un de ces vigiles en costume noir et oreillette greffée au tympan que je commençais à bien connaître.

« Mais enfin vous voyez qu’elle ne va pas bien ! Vous croyez qu’elle l’a fait exprès de s’évanouir ? C’est pas une droguée, non mais ! Vieux chnoque ! »

« Mademoiselle, voyons, je n’ai jamais pensé… »

« Ouais, c’est sûr, je ne crois pas que vous ayez jamais pensé de votre vie !! Franchement !! »

J’écoutais Lola défendre mon honneur bec et ongles et invectiver le vigile, tout en prenant à témoin Théo qui bien entendu ne bronchait pas. Je commençais à comprendre ce qui m’était arrivé. De toute évidence, j’avais été victime d’un malaise. Déjà un peu plus tôt, en quittant la salle de ciné, je ne m’étais pas sentie bien, puis plus tard dans SES bras…Dans SES bras !!! Je me redressai affolée, tournant la tête en tous sens. J’avais arraché ma main de celle de Lola coupant net sa conversation mondaine avec le charmant Monsieur qui n’appréciait pas notre sitting.

« Où est-IL ?! », criai-je. A présent, je me souvenais. IL aurait dû être là près de moi ! IL avait été là avec moi sur la plage, c’était vrai, et j’étais rentré avec LUI dans le hall. Ce n’était pas possible, ce n’était pas un rêve ! « NON ! »

Lola et le vigile avaient cessé leur querelle de cour de récréation et recentré leur attention sur moi. Mais, si la première tentait vainement de me reprendre la main en me demandant de me calmer, le second se contentait de presser fébrilement son oreillette en inclinant la tête, comme si Dieu lui même lui soufflait à l’oreille des conseils pour gérer la situation. Je repoussai presque violemment la pauvre Lola et me remis debout avec difficulté. Le froid glacial du marbre sur le sol avait légèrement tétanisé mes jambes dont les cuisses, il faut bien l’avouer, avaient bien peu de tissu pour se tenir au chaud.

J’étais toujours pieds nus, et je me fichais totalement de savoir où se trouvaient mes chaussures. C’était LUI que je voulais. LUI. Je me mis à regarder frénétiquement autour de moi, à la recherche de SA haute silhouette, de SES magnifiques yeux noisettes, de SA bouche que j’avais failli goûter. Je m’attendais à entendre SA voix suave et tendre prononcer mon nom. Mais rien, nulle part, IL n’était plus là. IL n’avait jamais été là, j’avais rêvé ! J’avais rêvé !!

« Jeanne, calme toi ! Ce n’est rien, calme toi ! » Les mots de Lola me firent exploser en larmes et je m’effondrai dans ses bras, épuisée, et malheureuse. M’abandonnant à ma détresse, je m’agrippai à ma meilleure amie, comme à une bouée de sauvetage dans ce monde injuste. Elle était la seule qui pouvait me comprendre. Je débitai une série de mots hachés, déformés par des sanglots irrépressibles.

«J’ai cru …qu’…IL était …là. Je L’ai…vu…j’é…j’étais…a…a…vec LUI…non…non… »

« Jeanne…Jeanne…Chut …calme toi… »

Je secouai la tête, m’agrippant à elle de plus belle, et je remarquai alors avec horreur le regard de connivence, un brin moqueur qu’elle lança à Théo. Oh non, Lola, pas toi, tu ne peux pas te moquer de moi toi aussi. Si je la perdais elle aussi, j’allais sombrer. Je me sentais prête à basculer dans le vide.

« Jeanne…regarde, Jeanne. »

Elle me repoussa doucement et me montra quelque chose qu’elle venait d’attraper sur moi. Une manche. Une manche reliée à une veste. Une veste qui pesait sur mes épaules et qui me tenait chaud. Qui me tenait soudain vraiment merveilleusement chaud. SA veste…

Je souris bêtement à mon amie et sentie deux colombes blanches me décharger du fardeau de ma détresse et s’envolaient très haut et très loin.

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Lola m’avait entraîné vers la salle où se tenait le fameux cocktail. Un nombre incalculable de personnalités diverses était déjà réuni là bas. Acteurs, cinéastes, photographes, opportunistes…on aurait cru qu’ils avaient tous volé là, à peine la projection du film terminée, comme s’ils n’avaient attendu que cet instant. Les uns papotaient et souriaient tandis que les autres sirotaient du Champagne et hochaient leurs célèbres têtes d’un air entendu.

A la vue du buffet croulant sous les pâtisseries de chez Fauchon, j’avais senti gronder mon estomac, et enfin compris la raison de mon malaise. Un corps affaibli, privé de nourriture, et maintenu sous extrême tension pendant de nombreuses heures, plus de 12 heures dans mon cas, envoie les seuls signaux d’alerte dont il dispose, en l’occurrence ; tête qui tourne et évanouissement. J’avais été stupide de négliger de la sorte mon organisme pour ne privilégier que l’excitation produite par ce lieu et ces événements exceptionnels.

Aussi, je m’étais littéralement jeté sur les petits fours que j’avais englouti sans vergogne, sous les yeux médusés d’une vieille dame qui avait du connaître ces heures de gloire cinématographique à la période de l’entre deux guerres. J’avais soulagé ma faim tout en écoutant avidement Lola, the storyteller, me racontait dans le menu détail ce que j’avais raté durant mon sommeil involontaire de Belle au Bois Dormant au Palais des Festivals.

Elle m’avait cherché un bon moment et se trouvait dans le hall du Palais quand elle m’avait aperçu dehors par les portes vitrées, émergeant de la foule de fans hystériques, Wentworth me tenant la main. Elle L’avait vu m’aider à passer les portes du bâtiment, puis m’effondrer subitement dans SES bras.

« T’imagines pas ma surprise, j’ai rien compris de ce qui se passait ! Déjà j’ai halluciné de te voir avec LUI et ensuite voilà que tu tombes dans les pommes sans prévenir ! J’ai foncé vers vous comme une dingue ! »

Sa voix montait un peu plus dans les aiguës à mesure qu’elle progressait dans son récit. Elle redevenait elle-même.

« Bref, Lui et moi, on s’est retrouvé à genoux, toi au milieu, vautrée par terre, inconsciente… », merci Lola, je me passerais de ce genre de précisions, « …tu m’as foutu une des ses trouilles, ma vieille. En fait, tu nous as foutu une sacrée trouille à tous les deux, car je peux te dire que de là où j’étais, c’est à dire juste devant LUI. Mes yeux planté dans les SIENS. Excuse moi, mais malgré tout fallait que j’en profite ! Ben, IL avait l’air super angoissé et paniqué LUI aussi. IL a appelé à l’aide, et justement, SON attachée de presse a déboulé en une seconde. Elle devait être planquée pas bien loin, celle là ! »

J’en étais à mon 6e mini-éclair au café et je me préparais à engloutir une mini-tartelette à la fraise quand elle ajouta en me tirant par le coude :

« Tu vas enfin me dire ce que tu foutais avec LUI, ou quoi ?! »

« Raconte moi d’abord ce qu’IL a fait. »

Plus mon ventre se remplissait et plus les limbes de mon esprit se clarifiaient. Je n’avais plus qu’une seule pensée en tête : Savoir ce qu’il s’était passé.

« T’es vache !! Ce qu’IL a fait ?! IL a commencé à discuter sec avec la nana. Pam, elle s’appelle. D’après ce que j’ai pigé, elle voulait pas qu’IL reste là, elle a parlé d’un coup de fil qu’elle avait reçu, de quelqu’un d’important qui cherchait à LE joindre. IL a répondu qu’IL verrait ça plus tard. Mais elle a insisté en disant que ça allait pas être bon pour SON image et qu’IL avait un contrat à respecter. Parce que tu sais, ton petit spectacle inopiné n’est pas passé inaperçu, les photographes dehors se sont rincés l’œil, enfin l’objectif surtout. »

Je préférais ne pas penser aux photos qui risquaient sûrement de pulluler dans les magasines. Quelque chose me disait que mon meilleur profil serait loin d’être mis en valeur, avachie sur le sol telle une serpillière. Je priais pour que les flashs contre les vitres des portes rendent les clichés inutilisables.

« Et pis ça n’a pas eu l’air de plaire non plus aux vigiles du coin même si finalement, il y en a un qui est parti te chercher un verre d’eau. Bah, d’ailleurs, heureusement qu’on n’a pas attendu après lui parce qu’il est jamais revenu celui-là !! Le gars n’aurait pas bougé si Wentworth n’avait pas insisté lourdement. Oh, ça me fait trop bizarre de parler de Lui comme ça …En tous les cas, je L’ai senti très énervé à un moment. »

Elle ronchonna contre la galanterie masculine qui se perdait et j’acquiesçai tout en me léchant les doigts couvert de sucre glace. J’étais suspendu à son discours et je ne pensais qu’à LUI, et un peu aussi quand même à mon estomac qui se remplissait avec bonheur, et à mes forces qui revenaient.

« IL t’a dit quelque chose à mon sujet ? Pourquoi n’est-IL pas resté ? »

Lola arqua un sourcil et me lança un regard faussement vexé.

« Bah oui, IL m’a parlé, quand même. Il n’y en a pas que pour toi non plus ! » Je rougis, un peu gênée mais elle m’offrit un sourire assorti d’un clin d’œil, et poursuivit, « On a échangé nos identités si tu veux tout savoir. Mais on n’était pas vraiment dans une situation propice au badinage. En fait, quand IL a su que je te connaissais, IL m’a demandé si ça t’arrivait souvent de t’évanouir, et si tu avais des médocs à prendre. IL semblait sincèrement inquiet et concerné par ton état. » Elle fit une pause et me regarda d’un air interrogatif. « Tu peux m’expliquer pourquoi … ? »

« Après, promis. Mais s’il te plait, raconte moi la suite ! »

J’avais fini de contenter ma faim, et mon amie m’emmena près d’un pilier à l’abri du regard inquisiteur de la vieille star du noir et blanc qui commençait à nous agacer légèrement.

« J’ai failli LUI répondre que tu avais une maladie très rare, et que tu n’en avais plus pour très longtemps à vivre »

Elle pouffa devant mon air effaré.

« Mais SON attachée de presse est revenue à la charge, elle était super insistante, limite grave. Toi, tu bougeais toujours pas d’un cil, et je commençais vraiment à baliser ! Heureusement que j’ai vu arriver Théo, Ouais, heureusement, tu parles ! Un autre vigile s’est pointé aussi. Celui qui était là quand tu es revenue à toi. Il a dit à l’attaché de presse que tout était « under control » et que « Mister Miller » pouvait aller rejoindre les autres invités. Mais le Mister Miller, je te jure, Jeanne, IL avait vraiment l’air d’un enfant perdu. On aurait dit qu’IL, ben…comment dire, qu’IL …tenait trop à toi pour te laisser là…»

Elle fit une pause, et scruta mon visage en plissant les yeux comme si elle essayait de lire dans mes pensées. J’eus un geste de recul imperceptible. Elle émit une sorte de « hum… » significatif avant de poursuivre.

« C’est à ce moment là qu’IL s’est penché vers toi, IL a murmuré un truc, … « Jean », je crois. Il a caressé tes cheveux avec une délicatesse que jamais aucun homme n’a eu envers moi… Et pis, IL a déposé un baiser juste là. » Elle me toucha le front avec son index, « Ensuite, IL s’est adressé au vigile et a parlé d’un Doctor. IL m’a demandé de prendre soin de toi en attendant le gars au verre d’eau. Puis, IL s’est levé, et a suivi SON attachée de presse sans se retourner. Mais j’ai bien vu qu’IL avait l’air presque aussi désemparé que moi, et c’était évident qu’IL partait à regret… »

Cette fois, Lola se tut définitivement.

Je restai muette moi aussi, essayant d’imaginer SES lèvres sur mon front. Je n’avais absolument rien senti, rien entendu. Je m’adossai contre la colonnade de marbre en soupirant. Je n’arrivais toujours pas à croire que tout cela était vrai, seul le veston hors de prix que je portais toujours, et qui devait me donner l’air d’une clocharde, me prouvait pourtant que je n’avais pas rêvé.

Au bout de quelques secondes, je mis fin à la torture que mon silence infligeait à Lola. Je me mis à lui relater lentement, et en soignant les détails ma rencontre avec Wentworth sur le bord de mer. Revivant avec elle notre courte discussion, SA présence électrique, SON regard sur moi, SA délicate attention lorsqu’ IL avait remarqué que je grelottais et qu’IL m’avait prêté SA veste. Puis, la séance d’autographes musclée quand nous avions rejoint le Palais.

Lola ponctuait mon récit de petits cris, de soupirs, et de battements de mains hystériques. Je jubilais face à son air éberlué mais malgré toute l’affection que je lui portais, j’omis volontairement d’évoquer le baiser que nous avions failli échanger. Je souhaitai conserver pour moi ce souvenir intime. Ce moment magique, ce lien entre LUI et moi qui avait failli exister. Juste failli…

Par contre, j’allais lui parler du coup de téléphone lorsque justement une sonnerie de portable interrompit une fois de plus le déroulement de mon conte de fée. La source sonore ne devait pas se trouver bien loin de nous, et je reconnu la même mélodie que celle que j’avais entendu sur la plage. Plusieurs personnes tournèrent la tête dans notre direction, agacées par ce son malvenu. Ra !! ces gens qui ne peuvent pas vivre sans leur téléphone portable ! Lola leur renvoya leurs regards en haussant les épaules d’un air innocent. Mais la petite musique poursuivait sa rythmique et semblait décidément provenir de l’une d’entre nous. J’eue comme un déclic. Je réalisai subitement que SON téléphone était probablement resté dans la poche de SON veston. Je glissai alors discrètement une main à l’intérieur du vêtement, et ressorti le petit objet lumineux, offrant au monde entier la preuve que j’étais bien la coupable, celle par qui le bruit arrive.

Instinctivement, je baissai les yeux sur l’écran de l’horrible appareil où s’inscrivait en lettres bleutées le nom du correspondant en mal d’appel : Sarah W.C.

Sans réfléchir, je cliquai sur le bouton « off ».