Blog de Raistlin

Mon dernier blog n'est plus. Vive mon nouveau blog ! Vous trouverez ici mes écrits. En espérant que cela vous plaira. Bonne lecture !!

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Lieu : Picardie, France

vendredi, novembre 10, 2006

Chapitre 6 : Un papillon et une mouche

Il avait dit « Comme c’est dommage ».

Les mots résonnaient en boucle dans ma tête comme un disque rayé. Le souvenir de sa voix chaude et suave virevoltait comme un papillon à mes oreilles. Et je n’avais aucune envie que ce charmant petit insecte volant me quitte.

Pourquoi cette petite bestiole s’en irait-elle d’ailleurs puisque là sous mes yeux s’étendait juste pour elle un immense champ de fleurs à butiner. Une palette de tâches multicolores qui scintillaient et se reflétaient dans ma rétine tel un somptueux écrin arc en ciel au creux duquel reposaient deux opalines translucides. SES yeux.

J’avais croisé son regard dévastateur l’espace d’un fugace instant et je m’étais soudain sentie toute petite et idiote face à lui.

Idiote d’avoir gobée le mensonge éhonté de mon écran de télévision qui m’avait fait croire pendant des mois que ses yeux étaient bleux ce qui n’était pas la réalité. Et toute petite parce qu’il était tout bonnement plus grand que moi !

Décidément ses yeux avaient une fâcheuse tendance à me bouleverser, et à causer chez moi une incurable addiction qui s’amplifiait de façon phénoménale avec le temps. Sur l’échelle de Richter, spécialité fine-eyes, j’avais atteint un niveau critique de dépendance qu’il allait finir par se muer en un besoin quasi maladif de les contempler quotidiennement. Il était clair qu’ils devenaient un danger potentiel pour ma santé mentale.

Le doux battement d’aile du papillon disparaissait progressivement pour être remplacé par le bourdonnement désagréable et insistant d’une grosse mouche. C’était la voix de Lola qui tentait de se frayer un chemin jusqu’à mon cerveau déboussolé. Elle me parlait tout en me tirant par le bras pour me relever car j’étais toujours assise par terre dans l’ascenseur, les genoux repliés sous le menton. Je finis par me redresser avec un léger soupir et je laissais s’échapper à regret le joli papillon et l’image du champ de fleurs se volatilisa.

« Comment ça va ma vieille ? Tu m’as fait peur, j’ai cru que t’étais tombée dans les vapes ! Tu me diras, je te comprends ! Ca m’a fait un choc à moi aussi. Punaise, quand Potter à ouvert la bouche, j’étais trop surprise pour sortir une phrase correcte. Ils ont du me prendre pour une demeurée incapable de parler deux mots d’anglais. Ca fait pas professionnel tout ça … »

Et moi alors ? Je n’osais même pas penser au spectacle pathétique que j’avais dû leur offrir, et à l’expression ébahie qui avait du s’étaler sur mon visage. J’imaginais un petit smiley bavant aux yeux exorbités, vautré sur le sol et je fermai les yeux en secouant la tête pour chasser cette image déplaisante. Pourtant au fond de moi, je me sentais toute légère et une étrange sensation de bien-être se diffusait dans tout mon être lorsque je repensais au dernier regard qu’il m’avait lancé. Avais-je imaginé le sourire qu’il m’avait adressé, à moi, au moment où les portes se refermaient ? Si je l’avais rêvé, alors je ne voulais pas me réveiller …

Finalement, les portes de l’ascenseur s’ouvrirent au deuxième étage, sur un couloir complètement désert cette fois. Bzzz, Lola, la mouche agaçante, continuait son monologue en me poussant devant elle sans ménagement.

« C’est dingue ça, il a fallu qu’on tombe sur lui justement au moment où j’allais t’annoncer ma super nouvelle ! »

« Hein ?! »

« Mais ouais !! Ca va vraiment pas toi, on dirait !! »
Elle s’arrêta et me fit pivoter pour me mettre face à elle. Elle claqua des doigts plusieurs fois sous mon nez prenant un air soucieux et concerné, façon John Carter avec un patient.
« Suis mon doigt. Oxo, la Terre ?! Eh, Oh !! Wakie-wakie. T’es où là ? Je te sens pas très réceptive. »

« Si, si, je t’écoute »
Je lui offris un sourire que je voulais rassurant mais elle ne défronça pas les sourcils. J’espérais qu’elle n’allait me faire passer un scan crâne avec bilan complet et radio du thorax. Mais, finalement, elle fit la moue et se détendit, elle n’aurait pas à demander un avis chir’. Ouf !

« Mouais, t’as pas vraiment l’air bien. Faut que tu te reprennes, ma vieille parce que là, c’était rien !! Ce que j’allais te dire justement, c’est qu’on va pouvoir assister à la soirée au Palais des Festivals. Et il y a de très fortes chances qu’on tombe encore sur lui. Et sur plein d’autres stars au passage. »

Elle était toute excitée. Je la connaissais par coeur et je savais que pour elle, cette soirée, en plus d’être un moyen de croiser à nouveau son idole, était surtout une super opportunité pour son travail. J’avais tendance à oublier qu’elle était à Deauville pour le boulot quand même.

« ON va pouvoir assister ? Moi, je ne suis ni photographe, ni journaliste, ni rien du tout. Comment veux-tu que je rentre là bas ? »

Il fallait bien qu’une de nous deux soient un peu réaliste dans cette histoire.

« Oh, là, là, Madame rabat joie. Théo Schiffer, tu connais ? »

Arrghh !! J’aurais du m’en douter. Je devrais mon bonheur à ce crétin. Quel ironie !

Néanmoins, je ne pus m’empêcher de sourire tandis que la délicieuse perspective de LE revoir le soir même commençait à se concrétiser. Je sentais comme un infime battement d’aile de papillon sur ma joue. Il n’était pas loin.

« Théo ne prendra pas de photos ce soir, il est special guest et il m’a proposé d’être sa partner. C’est la première fois qu’on sera en public ensemble. » Elle était rose de plaisir. « Et je te raconte pas comment ça va booster ma carrière en plus ! »

Je ne doutais pas qu’être prise en photo en compagnie du plus grand coureur de jupons de Munich la rendrait tristement célèbre. Les pages des revues People regorgeaient de ces jeunes femmes inconnues accrochées au bras d’hommes comme lui qui leur promettaient monts et merveilles. En général l’édition suivante du magazine nous offrait la photo d’une fille différente tout aussi anonyme vouée à disparaître encore plus rapidement. Je ne voulais vraiment pas que cela arrive à mon amie.

« Lola, est ce que tu es certaine de toi ? Je veux dire avec Théo, tu sais … ? »

Nous avions repris notre progression dans le couloir et je savais que nous aurions bientôt atteint la chambre de Théo, je devais faire vite.

« Il t’a déjà fait souffrir par le passé. T’as pas oublié quand même ? Je ne voudrais pas qu’il recommence. Je m’inquiète pour toi tu sais.»

Lola m’offrit un large sourire et me passa un bras autour des épaules.

« Jeanne, t’es mon ange gardien, je t’adore. Mais je sais ce que je fais, crois moi. J’ai pas oublié, je t’assure mais je m’amuse trop depuis que je suis avec lui. Si tu le connaissais aussi bien que moi ... »

Non, non, sans façon franchement. Plutôt mourir ! Les quelques moments que j’avais partagé avec eux depuis mon arrivée à Deauville ne m’avaient vraiment pas donné l’impression qu’il avait changé. Mais Lola était grande et je ne voyais pas ce que je pouvais faire à part la mettre en garde contre ce bourreau des cœurs.

« J’espère vraiment que tu as raison, ma belle. Je n’ai pas envie de te ramasser à la petite cuillère quand tout ça sera fini »

« Pas de danger, ça n’arrivera pas ! »

Elle me colla un baiser retentissant sur la joue juste au moment où nous atteignions la chambre du photographe. Un brouhaha sonore émanait des murs et à peine Lola eut-elle poussé la porte qu’une musique assourdissante nous submergea. Encore une chose que j’avais oublié chez Théo, il adorait la techno.

« Ahhh, vous voilà enfin toutes les deux !!! Je commençais à croire que j’allais aller à cette soirée tout seul. »

Il raccrocha son téléphone portable et le jeta sans façon sur le lit d’un mouvement qui m’énerva sans raison particulière, juste parce que c’était lui et qu’il portait une chemise blanche informe, au tissu étrangement luisant et froissé sur un pantalon de toile à fines rayures noires et blanches maintenu par une paire de bretelles incongrues, très fashion. Il s’était mis sur son 31 et je l’aurais bien vu défiler sur un podium au milieu d’autres mannequins à la tenue tout aussi loufoque. Si je n’avais pas été déjà persuadée qu’il s’apprêtait à faire son show lors de la soirée, j’en étais maintenant convaincue.

Lola se jeta dans les bras de son amant et ils s’embrassèrent goulûment. Je me retins de faire la grimace et détournais les yeux. Je laissais tomber sur le sol mes deux sacs que j’avais trimballé toute l’après midi et qui me sciaient horriblement l’épaule. Me massant le cou, je m’approchais discrètement de la fenêtre qui, j’aurais du m’en douter, donnait directement sur le front de mer en face du Centre de Thalassothérapie. Il avait vraiment une sacré veine le Théo, les meilleures chambres, les plus belles femmes, une veine de cocu en fait. Cette pensée me fit ricaner. Puis mon oeil fut attiré par une foule de personne qui grouillait à la droite de l’hôtel. Je reconnus l’imposant Palais des Congrès. Il avait été paré aux couleurs du festival et orné de drapeaux et de grandes affiches. Les mêmes que j’avais vu un peu partout durant mes errances solitaires dans Deauville.

Pourtant lorsque j’avais rejoint l’hôtel quelques minutes plus tôt je n’avais pas remarqué toute cette effervescence, je devais être dans ma bulle pour ne pas changer. En tous les cas, à présent, je voyais très bien la multitude de photographes amassés devant les portes du palais et les badauds qui se pressaient derrière les barrières. De toute évidence, la soirée débuterait bientôt et ils ne voulaient rien rater du spectacle. J’avais encore du mal à croire que j’allais moi aussi assister à cet événement. Ce n’était pas la soirée de clôture mais quand même, il y aurait de beau monde. Et il y aurait LUI, surtout.

Je laissai mon esprit divaguer en songeant qu’il était vraiment très séduisant en smoking noir, rien à voir avec l’autre gravure de mode dégénérée. Je sentis les ailes du papillon souffleter contre mon oreille. « Comme c’est do … »

J’ouvris grand la bouche et laissai échapper un cri qui aurait facilement pu concurrencer ceux de Lola si un jury avait était présent pour nous départager.

Je me retournai paniquée vers Théo et Lola qui se décollèrent d’un seul coup en me regardant étonnés. D’ordinaire c’était le rôle de Lola de hurler comme ça mais …

« C’est impossible, je ne peux pas vous accompagner à cette soirée. Je …j’ai rien à me mettre !! »

Lola éclata de rire tandis que Théo soupirait bruyamment en faisant ‘non’ de la tête.

« T’inquiètes ma vieille, tu te souviens de la petite robe à fines bretelles que tu me conseillais de porter ? Elle t’ira à ravir. Mais je t’avertis, je garde la veste Dolce & Gabbana ! »

La grosse mouche était finalement une gentille libellule et heureusement pour moi, elle était ma meilleure amie.