Blog de Raistlin

Mon dernier blog n'est plus. Vive mon nouveau blog ! Vous trouverez ici mes écrits. En espérant que cela vous plaira. Bonne lecture !!

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Lieu : Picardie, France

vendredi, novembre 10, 2006

Chapitre 4 : Ralph, Jean-Paul, Coco et les autres

Lola m’attendait au bout du quai vêtue d’un jean taille basse ultra chic et chaussée d’étranges chaussures mi baskets, mi escarpins, dont l’ergonomie fit instinctivement recroqueviller mes orteils en imaginant l’état des siens coincés par l’étroitesse du soulier. Elle avait judicieusement agrémenté sa tenue très sport wear, d’un léger débardeur à l’effigie de Ralph Lauren et négligemment jetée sur ses épaules un polo marine rayé bleu et blanc. J’avançais vers elle, fendant la foule des passagers qui se pressait pour rejoindre le hall de gare, et je songeais qu’elle faisait très couleur locale habillée de cette façon. Je notai que toutes les femmes autour de moi portaient au moins un vêtement de style marin. Je me félicitai une fois de plus de m’être habiller tout en noir, au moins, je ne me fondrais pas dans la masse, moi. Toutes ces femmes croyaient-elles vraiment qu’on allait les prendre pour des autochtones juste parce qu’elles s’étaient déguisées en modèle de chez Jean Paul Gaultier ?

Il ne manquait plus à Lola qu’une épuisette et un saut pour parfaire le tableau. Néanmoins, si elle voulait vraiment aller ramasser des crevettes sur la plage, je lui conseillerais vivement de changer de chaussures. Je pouffai en l’imaginant affublée d’une paire de bottes en caoutchouc jaune vif et d’un ciré du même coloris. Comme j’approchai, elle m’aperçut enfin et me fit un grand geste de la main manquant d’éborgner un imprudent monsieur qui passait prêt d’elle et qu’elle ignora royalement.

« Jeanne ! Jeanne ! »
Elle gesticulait frénétiquement en criant inutilement mon nom étant donné qu’elle avait bien vu que je l’avais repérée, mais quelque chose me disait qu’elle le faisait un peu exprès afin d’attirer les regards sur elle. Sacrée Lola, elle ne changerait jamais ! Lorsque je l’eu rejointe, elle ôta ses énormes lunettes de soleil qui lui donnaient l’air d’une mouche géante et je notais les deux C entrelacés qui ornaient les branches piquetées de faux brillants. Je commençais déjà à en avoir marre de tout cet étalage de marques de luxe, mais je me doutais que ce n’était que le début.

« Te voilà enfin !! Je suis trop contente que tu sois là, ma vieille !! Tu m’as manqué, si tu savais !! J’ai un milliard de choses à te raconter. »

Elle me gratifia sur chaque joue de grosses bises retentissantes et me passa un bras amical autour des épaules. Je lui souris, trop heureuse moi aussi de la retrouver. Je devais bien avouer qu’elle m’avait terriblement manqué.

« Théo nous attend, il est garé devant l’entrée. » En me voyant froncer les sourcils, elle ajouta précipitamment. « C’est lui qui a proposé de m’accompagner, il a changé tu sais ! »

Je revoyais encore mon amie en larmes, lamentablement vautrée sur mon canapé entrain de s’empiffrer de crème glacée quelques mois plus tôt alors que Théo Schiffer, le photographe à la mode que le tout Paris s’arrachait, venait de la plaquer pour s’envoler vers Munich, avec dans ses valises, un mannequin suédois probablement mineure par dessus le marché. Il était de mon devoir de protéger mon amie et je décidais de lui parler dès que j’en aurais l’occasion. Pour le moment, nous nous dirigions vers la sortie, bras dessus, bras dessous.

« J’ai réussi à baratiner le réceptionniste de mon hôtel pour qu’il accepte que tu partages ma chambre. Avec le festival, il n ’y a plus une seule chambre de libre dans tous les hôtels à des kilomètres à la ronde. A part dormir chez l’habitant, tu aurais été bien embêtée ce soir ! ah !ah ! De toutes façons, j’ai deux lits simples dans ma chambre et puis, pour tout te dire, je n’y dors pas souvent ces derniers temps. »

Elle me décocha un clin d’œil coquin. Mince, les choses semblaient plus avancées que je ne le pensais avec Théo, et il faudrait que je fasse vite si je voulais arriver à rattraper le truc.

« Mais je ne t’ai pas dit le plus beau ?! J’ai découvert qu’IL loge dans le même hôtel que Théo. Je te jure, même que tout à l’heure on a bu un verre au bar à deux tables de la sienne. Punaise, j’ai rien pu avaler tellement j’étais perturbée. Il est TROP beau en vrai !!! Je ne pouvais pas m’empêcher de le regarder, mais discrètement, tu me connais hein ?! »

Ouais, je la connaissais même très bien et je doutais que le mot discret soit très représentatif de son comportement en général, mais je me gardai bien de lui dire et me contentai de boire ses paroles avidement.

« Je te raconte ça tant que Théo n’est pas dans le coin parce qu’il a piqué une de ces crises de jalousie après ça. Il paraît que j’arrêtais pas de LE mater et que s’en était gênant. Moi, je suis certaine qu’IL ne m’a même pas remarquée. M’enfin… »

Malheureusement, je n’imaginais que trop bien la scène et je ne doutais pas que tout le monde dans le bar avait remarqué son petit manège. Déjà lorsqu’elle se tenait correctement, ce qui dans le cas de Lola était aussi improbable que de se comporter discrètement, elle passait difficilement inaperçue auprès de la gente masculine, son physique avantageux déchaînant le plus souvent une rafale de regards assassins de la part des épouses. Mais en plus, si pour arranger les choses, elle avait passé son temps à espionner la table d’à côté…Je levais les yeux au ciel.

Par contre, à l’idée de Théo lui faisant une scène, je me sentis fulminer. Il était rudement gonflé l’animal quand même.

« Mais je te rassure tout de suite, IL était juste accompagné de son copain réal’ et de sa femme mais pas de girlfriend. Il est venu à Deauville seul, j’en suis sûre !!! »

Elle m’offrit un sourire de connivence tandis qu’on sortait de la salle des pas perdus. Bizarrement, j’étais soulagée par cette nouvelle mais quand même légèrement jalouse à l’idée qu’elle avait eu la chance de LE voir de prêt.

Théo nous attendait au volant d’une Maserati coupé sport décapotable outrageusement rouge, et garée non moins outrageusement en double file. Grand frimeur devant l’éternel, le photographe avait rabattu la capote et arborait fièrement une paire de lunettes de soleil dont je préférais ignorer la marque, ça commençait sérieusement à me saouler. En me voyant, il m’offrit un sourire éclatant qui aurait sans problème rivaliser avec celui d’un certain présentateur has been qui sévissait à la télé française dans les années 80. Je me forçais à lui rendre son sourire mais sans desserrer les dents.

« Salut Jeanne ! Tu vas bien depuis le temps ? »

Oh, ça allait très bien jusqu’à ce que j’entende ton nom prononcé par ma meilleure amie à qui tu as brisé le cœur en mille morceaux, l’abandonnant sans un remord. Salaud !

« Ouais, ça va super Théo ! Et toi ? » Je maudissais ma lâcheté mais je devais épargner Lola avant tout. Elle aimait ce trou du cul.

Il se pencha côté passager sans bouger les fesses de son siège et tira sur la poignée pour ouvrir la portière. Quelle galanterie ! Je remarquais alors que son magnifique coupé sport en plus d’être mal garé et certainement incroyablement cher ne comportait que deux places à l’avant et une banquette riquiqui à l’arrière. Et ouais, c’est pour ça que ça s’appelle un coupé.

« Euh…je m’assois où ? »

Théo sourit de plus belle :
« C’est l’inconvénient avec ces petits joujoux. Absolument superbe mais pas fait pour les familles nombreuses. Mais j’ai pas pu résister à l’acheter ! De toutes façons je ne pense pas fonder une famille dans les jours qui viennent. Ah ! ah ! Quoi que … »

Son regard lubrique détaillant les formes de Lola me donna soudain la nausée et je me souvenais à présent combien je détestais son léger accent allemand. C’est pourtant ce qui avait séduit Lola à l’époque ainsi qu’une bonne centaine d’autres nanas avant elle, et certainement après et surtout pendant.

« Allez ! Jump on board, girl ! On va pas bien loin, tu peux bien arriver à te trouver une petite place à l’arrière. »

Je me glissai à contre cœur dans l’espace étriqué et réussi je ne sais comment à caser mes deux sacs et mes deux jambes entre le dossier et la banquette en cuir beige du bolide. Je songeai avec amertume au fauteuil de seconde classe dans le train que je venais de quitter. Il faisait figure de canapé Everstyle à côté de cette boite à sardines italienne. Lola se coula langoureusement sur le siège passager et Théo lui sauta presque dessus, lui passant une main derrière le cou pour l’attirer contre lui. Il lui roula ce qu’on appelle communément et vulgairement, je l’accorde, un « méchant patin », en ayant prit soin de vérifier que je ne ratais rien du spectacle. J’étais persuadée que s’il n’avait pas de spectateur, ou -trice, ce connard ne devait pas réussir à prendre son pied.

Quand tu auras fini d’essayer d’avaler la langue de ma copine, je pourrais peut être éteindre la chandelle et on pourrait y aller.

« Ah, l’Amour ! » Dis-je en le regardant droit dans les yeux.

Heureusement pour mes pauvres genoux, le voyage jusqu’à l’hôtel fut relativement court si on considère que la gare se trouvait à quelques minutes à peine du front de mer et que nous aurions été aussi vite à pieds vu la circulation. Il se gara devant l’entrée en faisant crisser ses pneus. J’en conclu avec désespoir que son show était loin d’être terminé. Il sauta hors du véhicule sans prendre la peine d’ouvrir sa portière. Ca ne devait sûrement pas être tendance. Puis je le vis avec horreur siffler un portier et lui lancer les clés de son jouet à roulettes. Il glissa un billet dans la poche de son uniforme en lui tapant sur l’épaule d’un geste paternaliste. J’avais envie de vomir et tout en m’extirpant du coupé sport pour célibataire, je me demandais comment j’allais supporter ce mec même si ce n’était que pour deux jours. Lola quant à elle le dévorait des yeux ce qui n’arrangeait pas mon aversion.

Théo était un crétin fini, mais il était évident qu’il savait choisir ses hôtels. Celui-ci était le plus huppé de Deauville, l’Hôtel Royal, très prisé par les stars qui séjournaient en ville. Il était situé prêt du front de mer, non loin du Casino et du centre de thalassothérapie et il suffisait de traverser la rue pour rejoindre le Palais des festivals.

Tout de même un peu intimidée, j’avais pas l’habitude moi, j’entrai dans le hall à la suite du couple princier, j’ai nommé Théo et Lola. Je fus aussitôt écrasée par la splendeur des lieux, les tentures rouges et or, les colonnades, le marbre qui recouvrait le sol et le magnifique piano à queue qui trônait au centre de cet endroit irréel. Je n’osais plus faire un pas, ne me sentant absolument pas à ma place et mal à l’aise dans mes Docs noirs craquées aux encornures avec mon vieux sac Adidas à bout de bras. Théo et Lola avaient filé à la réception et un groom en livrée s’approcha de moi pour me demander avec un sourire contrit si je souhaitais qu’il me débarrasse de mon paquetage. Le ton de sa voix me donna l’impression qu’il avait employé le mot ‘débarrasser’ au sens propre du terme. Avant de m’enfuir en courant, je tentais de bafouiller que je ne faisais qu’accompagner deux amis dans ce lieu féerique et que je n’avais pas la moindre intention d’y séjourner. Non pas que je n’en ai pas envie, mais quelque chose me disait que mon banquier ne serait pas particulièrement enclin à m’octroyer un prêt juste pour régler ma note d’hôtel.

A mon grand soulagement, Lola vola à mon secours pour expliquer au jeune homme qui lorgnait toujours sur mon sac que j’étais son amie et que nous étions là avec Monsieur Schiffer. L’évocation de ce nom béni associé au sourire, et surtout au petit débardeur griffé et au décolleté plongeant de Lola, eut pour effet de décrisper le cerbère en costume qui nous proposa subitement d’une voix mielleuse de déposer nos ‘effets’ au vestiaire durant notre visite dans son établissement. Ce que je refusais d’une voix toute aussi mielleuse, mon sac étant très bien avec moi. L’employé zélé finit par nous abandonner à notre triste sort non sans avoir jeté un dernier coup d’œil méprisant sur ma tenue peu orthodoxe.

« Tiens ma vieille, tant que j’y pense, voilà ton pass pour la conf de demain. Tu sais, Théo et moi, on a du taf ici et je ne sais pas si j’aurais beaucoup de temps à t’accorder alors … essaie de profiter des lieux pendant ce temps là. L’hôtel a une super piscine. »

« J’ai pas de maillot. »

« Ah ? Ben c’est pas grave, il y a plein de boutiques en ville, si tu veux aller faire du shopping. »
Mais elle délirait là ou quoi, je n’avais pas était écrasée et, tripotée dans les transports en communs, puis de nouveau écrasée dans la caisse de son amant « m’as-tu vu » pour venir jouer les touristes à Deauville. J’allais lui dire le fond de ma pensée quand un brouhaha de voix me fit tourner la tête.

Une nuée de personnes plutôt bruyantes venait de déboucher dans le hall d’accueil. Et IL était là parmi eux. Visiblement, ils sortaient tout juste d’un salons privés de l’hôtel. Deux nanas très sophistiquées griffonnaient sur les bloc notes qu’elles tenaient à la main. Une autre au visage très sérieux, avait plaqué un téléphone portable contre son oreille et ne quittait pas l’acteur des yeux. Un homme sapé comme un représentant de commerce faisait de grands gestes en parlant fort. Et lui, au milieu de tout ça, écoutait, la tête penchée, attentif et poli, acquiesçant par moment. Je voyais son profil parfait, son nez gracieux et ses pommettes arrondies. Je notais que ses cheveux étaient plus longs que dans la série ce qui lui allait plutôt bien. Il se balançait légèrement d’avant en arrière, les mains dans les poches, mais sans que cela dénote un quelconque malaise. Au contraire, je le sentais parfaitement à l’aise et très calme. Son interlocuteur lui dit quelque chose qui l’amusa et il redressa la tête en riant. Je me sentis fondre au son de ce rire si familier. Cette fois, je l’entendais pour de vrai, sans filtres artificiels. Pas d’écran de télé, ni de hauts parleurs entre son rire et mes tympans. Malgré la distance qui nous séparait, je vis nettement les coins de sa bouche se relever et une ridule se dessiner sur sa joue alors qu’il riait. Par photos interposées, je connaissais tellement par cœur tous ses petits détails qu’une envie dévorante m’envahit d’un coup et je me mis à désirer ardemment qu’il tourne la tête juste un instant pour que je puisse voir ses yeux.

Au lieu de ça, la nana au portable raccrocha et lui glissa quelques mots à l’oreille, il hocha la tête et interrompit le flot de paroles du gars en costard. J’entendis et reconnu comme dans un rêve sa voix rauque et posée sans saisir ce qu’il disait. Mais je compris qu’il prenait congé du simili VRP en lui serrant chaleureusement la main. Les autres nanas se mirent soudain à papillonner autour de lui et finalement la fille au portable remporta le gros lot en lui agrippant le bras, elle prononça le mot « hurry » avec un fort accent américain. Il salua son entourage une dernière fois et sans un regard en arrière, suivit dans le couloir la femme qui devait être son attaché de presse.

« … ma vieille ? … »

Lola me tirait par le bras mais je n’arrivais pas à réagir.

Alors c’était tout ? Mais c’était pire que tout justement. Le voir, mais être en dehors de son univers, en dehors du cercle. Je me tenais là à quelques pas de lui mais il ne m’avait pas vue, il ne m’avait pas cherchée des yeux. D’ailleurs, pourquoi l’aurait-il fait ? Je n’étais personne pour lui. Ce n’était pas de l’indifférence de sa part. C’était juste la réalité. Et je venais de réaliser avec un désespoir terrifiant que sa réalité n’était pas la mienne. Et qu’elle ne le serait probablement jamais.

3 Comments:

Blogger Chancelvie said...

Désolé de ne pas avoir posté avant mais entre la reprise des cours et les devoir je n'ai pas trop le temps.
Mon dieu ma vieille, quel talent! Je suis scotché à ta fan fic et je pense avoir resentie les mêmes émotion que Jeanne quand elle l'a aperçu.

vendredi, 10 novembre, 2006  
Blogger Hazel said...

J'aime pas du tout le genre frimeur que tu décris, mais ça colle bien à l'ambiance mondaine. Pour ce qui est de la "rencontre" avec Wentworth, c'est très réaliste, on perd le côté magique de la scène où l'héroïne était malheureusement dans le train (zut alors !)On y croyait presque, après tout dans les histoires, tout est permis !

mardi, 25 mars, 2008  
Anonymous Anonyme said...

Lire le blog en entier, pretty good

mardi, 24 novembre, 2009  

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