Blog de Raistlin

Mon dernier blog n'est plus. Vive mon nouveau blog ! Vous trouverez ici mes écrits. En espérant que cela vous plaira. Bonne lecture !!

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Lieu : Picardie, France

vendredi, novembre 10, 2006

Chapitre 2 : Paris St Lazare 11h30

J’avais eu un mal fou à m’endormir hier soir et autant de mal à me lever ce matin, vu le peu d’heures de sommeil que j’avais engrangé. S’endormir à 4h00 pour se lever à 6h30, je ne le conseille vraiment à personne. Heureusement, je travaillais chez moi et je n’avais pas besoin d’être opérationnelle trop tôt. Du fait, j’avais un peu traînassé au lit et laissé la nouvelle déballée par Lola la veille lentement infuser dans mon cerveau.

La nuit dernière, sur le coup je n’avais pas vraiment réalisé la portée de ce qu’elle m’avait annoncé. J’étais encore sous le charme de l’épisode que je venais de regarder, j’étais fatiguée et Lola me hurlait dans les oreilles, ce qui n’avait rien arrangé. Mais ce matin, la lucidité légendaire qui me caractérisait, m’avait rattrapée pour ne plus me lâcher. Elle m’avait suivi jusque dans ma salle de bain et quand je m’étais regardée dans la glace, j’étais resté sans voix devant le portrait ahurissant que me renvoyait mon miroir. J’avais offert une jolie grimace à mon reflet alors que je tentais vainement d’assagir mes épis rebelles. J’avais l’impression d’avoir endossé le rôle de Bridget Jones, mon héroïne favorite, l’alcool et la cigarette en moins. Mais je refusais catégoriquement de monter sur ma balance, j’avais ma dignité quand même et ce n’était pas le jour. Réprimant l’envie irrésistible que j’avais de retourner me coucher, j’essayais d’oublier mon marasme sous une bonne douche réparatrice, non sans avoir vérifié que je n’avais pas de message de Lola sur mon téléphone portable.

L’incursion dans ma penderie ne m’avait pas plutôt rendu le moral. Après avoir sorti quasiment la totalité de mes fringues qui gisaient à présent étalées sur le sol et en travers de mon lit défait, il était flagrant que je n’avais rien à me mettre. Je choisie sans entrain de passer un jupon en dentelles qu’une vendeuse des Galeries Lafayette m’avaient vendue presque de force en me balançant l’éternelle ritournelle de tous les vendeurs et vendeuses de France et de Navarre « C’est très tendance ». Oui, merci, je sais, j’en ai déjà assez avec ma sonnerie de portable. Bref, j’avais finalement opté pour le modèle en noir au grand désespoir de la vendeuse qui voulait me refourguer un de ses coloris vert amande ou jaune poussin bien plus tendance qui irait parfaitement avec mon teint de lait d’après elle. Trop heureuse de lui clouer le bec, je n’avais pas démordu de mon choix en lui disant que le noir était indémodable et que ça allait avec tout. Elle avait finalement tourné le nez se désintéressant totalement de mon cas désespéré et j’étais passé à la caisse pour régler d’un air triomphant mon jupon noir au milieu de toutes ses clientes très tendance qui achetaient des débardeurs colorés. Contre toute attente, j’avais été très satisfaite de mon achat que j’avais porté durant tout l’été.

Ce matin, j’ajoutai à ma tenue un petit T-Shirt noir moulant. En ce début septembre, les températures étaient encore assez douces pour que je n’ai pas besoin d’enfiler un pull par-dessus A défaut de me sentir belle, au moins, je me sentirais à l’aise, et puis le noir était ma couleur préférée et aujourd’hui, elle était de circonstance.

A présent, j’étais assise devant mon écran d’ordinateur, écoutant distraitement la voix suave de Kate Bush qui susurrait doucement dans les hauts parleurs du PC. Je rêvassais en regardant deux pigeons grisâtres et moches se chamailler un quignon de pain rassis sur le bord de ma fenêtre. L’un deux avait un moignon à la place d’une patte et me faisait pitié, c’est pourtant lui qui réussit à sortir victorieux de se combat de rue, enfin ce combat d’appui de fenêtre en l’occurrence. Je ne sais pas pourquoi mais j’étais contente pour lui et je ressentis un regain d’entrain pour me mettre enfin à travailler.
Je me frottai les mains l’une contre l’autre, chassant toutes images de prunelles bleu de mon esprit et m’apprêtais à taper sur les touches de mon clavier quand trois petites notes de musique résonnèrent dans mon appartement. Un SMS venait d’arriver sur mon portable. Je me propulsai telle une fusée de mon fauteuil à roulettes, faisant s’envoler les pigeons dans un claquement d’ailes affolées. Je me jetai presque sur le téléphone que j’avais laissé sur ma table basse. Sur l’écran lumineux je vis avec ravissement une petite enveloppe qui m’indiquait un message en attente. Sans prendre le temps de m’asseoir je pressais la touche et lu avidement ce qui suit : « IL vient arrivé. sorti taxi devant moi. peux pas apelé. biz »

Je ne pouvais détacher mes yeux de ces quelques mots à l’orthographe douteuse qui venaient bêtement de me replonger dans la déprime. Elle l’avait vu, il était là bas quelque part entrain de respirer le même air que moi. A vol d’oiseau, il était à quoi ? Deux ou trois heures ? Ca met combien de temps un pigeon pour faire Paris-Deauville ? Je m’affalai sur le canapé et posai mes pieds nus sur le bord de la table, mon téléphone toujours en main. Une sensation étrange m’envahit comme si je connaissais cet acteur personnellement et que j’avais un besoin urgent de le voir, là tout de suite maintenant. Comme si j’étais cette jeune femme de la série et que j’avais envie qu’il me dise ce qu’il lui avait dit à elle hier soir, ici même dans mon salon. Je secouais la tête, voilà que je me mettais à confondre l’acteur et son personnage maintenant, ça devenait grave.

Et pourtant, j’avais réellement l’impression de le connaître. Quand je fermais les yeux je pouvais parfaitement détailler le moindre détail de son visage, sa bouche charnue et voluptueuse, ses yeux bleu pâles qui semblaient toujours animés d’une étincelle d’énergie intarissable, son sourire éclatant et spontané dont il n’était pas avare et qu’il distribuait sans compter, son rire communicatif, ou ses larmes émouvantes. Je connaissais son visage par cœur mais lui je ne le connaissais pas. Cette réalité me frappa en plein cœur sans que je m’y attende et je me surpris à détester le monde entier, lui et moi inclus sans aucune raison apparente. Il fallait que je me reprenne, tout cela ne me mènerait à rien et je devenais vraiment ridicule.

Je n’étais décidemment pas du tout motivée par le roman à traduire qui m’attendait sagement sur mon bureau, et dont l’auteur, une américaine au nom imprononçable, prenait vraiment ses lecteurs pour des abrutis en leur offrant une héroïne sensée être un ange déchu, née d’une fée et d’un démon, et qui revenait sur Terre pour venger sa famille assassinée. Tout un programme !

Je choisi donc d’allumer la télé, les émissions à cette heure de la matinée m’abreuveraient d’images insipides qui me calmeraient plus sûrement que n’importe quel cachet. Je tombai sur une rediffusion de la dernière émission de télé réalité du moment.
Djamel, clone parfait de Faudel, était entrain de chanter, faux et de danser, mal devant un groupe d’adultes qui le regardait d’un œil morne et critique. Après cette pitoyable prestation le jeune homme visiblement très intimidé resta planté dans l’attente du verdict. Celui-ci fut cinglant et impitoyable et la caméra suivit en gros plan la malheureuse victime qui sortait en larmes de ce tribunal d’inquisition revisité. Je soupirais, à la fois dégoûtée pour lui et légèrement satisfaite d’avoir assistée, ainsi que quelques millions de téléspectateurs français, à une humiliation en règle qui à mon grand soulagement n’était pas la mienne. En voyant arriver la candidate suivante, une certaine Mélinda, poupée Barbie formatée au possible, je n’eu que le temps d’attraper la télécommande avant qu’elle n’ouvre la bouche sur une note qui semblait encore plus fausse que celle proposée par son infortuné prédécesseur. Néanmoins, j’avais eu le temps de remarquer sa tenue colorée, très tendance et près du corps et je pensais ironiquement qu’elle ferait sûrement plus d’effet au jury que notre ami Faudel bis.

La zappette ne m’avait pas demandé mon avis et m’avait traîtreusement redirigée vers la chaîne que j’avais regardé la nuit dernière. J’avais bien choisi mon moment, et une annonce de la chaîne explosa mes tympans. Elle montrait des images du prochain épisode de la série, délayant des extraits musicaux aux tonalités variées par dessus lesquels une voix affreusement monocorde vantait les exploits de John, héros aussi étonnant qu’intelligent et terriblement mignon.

Pour une raison inconnue, cette banale remarque émanant de cette voix-off sans âme me révolta. Que connaissaient-ils de ce personnage ? En bonne fan de la première heure, j’avais la prétention de croire que j’étais la seule à connaître John et ses mystères, la seule à savoir le comprendre et l’apprécier. Néanmoins je n’arrivais pas à détacher mon regard de l’écran, je m’enivrais des images pourtant déjà tant de fois visionnées. Il marchait nonchalamment les mains dans les poches, un grillage le séparait de la belle jeune femme en blouse blanche avec laquelle il discutait. Il courrait dans un couloir, les traits du visage défaits et du sang sur les mains. Les plans suivants montraient d’autres acteurs, d’autres lieux. Puis, une publicité pour une marque de détergent ultra puissant me ramena à la réalité, il était parti. Je fixais le vide un moment, sourde aux éclats sonores distillés par mon poste de télévision. Les annonceurs publicitaires faisaient encore plus fort que les concepteurs de génériques dans le style "destruction auditive". Je finis par appuyer inconsciemment sur le bouton « arrêt » et lâchais bêtement l’appareil par terre. Le clapet s’ouvrit lorsqu’il toucha le sol et les piles s’échappèrent du compartiment en roulant sous le canapé. « Et Merde ! »

Je m’apprêtais à m’agenouiller pour tenter de récupérer les petites fugueuses qui devaient se cacher dans le repaire des moutons et des Curly desséchés qui avaient élus domicile sous mon sofa quand la petite musique horripilante de mon portable se remit à sonner. Cette fois c’était un appel, j’abandonnai sans regret les piles au milieu de leur nid de poussière, et je décrochai le cœur battant pour entendre la voix aigu de Lola qui à ma connaissance n’avait jamais atteint un niveau de décibels aussi élevé. Elle ne me laissa même pas le temps de dire un mot et ne m’offrit pas le moindre bonjour mais faillit bien terminer l’œuvre des publicitaires destructeurs de tympans en beuglant comme un goret qu’on égorge à l’autre bout du fil.

« Ma vieille, c’est du délire !!! Je l’ai vu il y a pas 15 minutes, il était là devant moi et j’aurais pu tendre la main pour le toucher. Je ne sais pas comment c’est possible mais des fans savaient qu’il devait venir et dans quel hôtel il créchait. Ils étaient une vingtaine à l’attendre devant les portes et ça a été l’émeute quand il est sorti du taxi. Je te jure, j’ai halluciné. Heureusement j’avais ma carte de presse et mon appareil photo donc les vigiles ne m’ont pas expulsé avec les autres nanas mais, merde, il y en avait qui hurlaient comme des hystériques. Ah, ah, ah !!! Je t’ai envoyé le SMS dès que je suis rentrée dans le hall de l’hôtel et que j’ai pu reprendre mon souffle. Tu l’as reçu ? Mon SMS ? »

Elle fit enfin une pause et franchement je me sentais presque aussi excitée qu’elle. J’avais envie de rire et de sauter partout.

« Ouais je l’ai eu ton SMS. Mais là t’es où, tu fais quoi ? »

« Ben justement, je suis encore dans le hall de l’hôtel, je dois assister à une séance photo, Théo a réussi à me faire inscrire sur la liste des accréditations. Et mon boss a contacté une attachée de presse de je ne sais plus qui pour me donner une autorisation plus large. Il veut que je couvre la conférence de presse de demain matin et la soirée de ce soir !!! Je suis sur un nuage, c’est génial, en plus il fait méga beau. Tu verrais ça, il y a un monde fou sur les plages….Oh, non, MERDE !!! »

« Quoi ? Qu’est ce qu’il y a ? »

« Ben j’avais pas prévu pour la soirée et j’ai rien à me mettre ! »

J’éclatai de rire en repensant à la tonne de fringues que Lola avait enfourné dans sa petite valise avant de partir. Elle était une véritable Fashion Victim au sens obsessionnel du terme et sa silhouette parfaitement proportionnée lui permettait de porter pratiquement tout ce qu’elle voulait. Ce qui était loin d’être mon cas, d’ailleurs nos sorties shopping entre filles me le rappelaient bien trop souvent. En plus, son métier de photographe lui permettait d’être toujours au courant de la dernière tendance et je l’avais rarement vu porter deux hivers de suite le même manteau ou le même jean. Pour elle, tout se démodait à une vitesse folle.

« T’inquiète Lola, un rien t’habille. T’as qu’à porter la robe à fines bretelles que je t’ai vu glisser dans ta valise. Elle sera parfaite avec ta petite veste Dolce & Gabbanna. »

« Tu crois ? Ouais je n’y avais pas pensé, je vais voir. Mais j’irai quand même faire un tour en ville dans les boutiques où vont les stars quand elles viennent à Deauville. »

J’avais oublié qu’en plus d’avoir un super job et une taille mannequin, Lola était pleine aux as.

« Bon, c’est toi qui vois. En tous les cas, t’as intérêt à bien ouvrir les yeux et à tout me raconter en détail à ton retour. »

« Ouais ma vieille ! Merci, là, je dois te laisser, Théo vient d’arriver, il faut que j’y aille. Bisous »

Le bip, bip déprimant du portable indiquait qu’elle avait raccroché. Et je me retrouvai à nouveau seule dans mon appart’ debout au milieu du salon. Les deux pigeons étaient revenus sur mon appui de fenêtre et leurs petits yeux noirs et ronds semblaient me regarder d’un air désolé au travers de la vitre crasseuse me rappelant si nécessaire que je passais encore moins de temps à laver les carreaux de mes fenêtres qu’à passer un coup de balai sous mon canapé. Une soudaine impulsion me fit attraper une demi biscotte du petit déjeuner que j’avais oublié sur ma table, j’étais décidément désespérante dès qu’il s’agissait de faire le ménage ou de ranger quoi que ce soit, je ramassai grossièrement les miettes avec le plat de la main et j’ouvris lentement la fenêtre en prenant soin de ne pas effrayer les deux volatiles. Puis je leur offrit mon festin improvisé avec une sensation de plénitude et l’impression d’avoir fait ma BA de la journée. Alors qu’ils commençaient à picorer, je les pris à partie :

« Bon, à présent j’ai du boulot et il faut que je m’y mette si je veux pouvoir payer mes factures du mois !! »

Joignant le geste à la parole, je m’assis devant mon ordinateur dont les petites enceintes n’avaient pas cessé de diffuser la voix fluette de Kate. J’entonnai joyeusement avec elle : « It’s me Cathy, I’m coming home… » Je me sentais mieux, l’appel de Lola m’avait rasséréné sans vraiment que je comprenne pourquoi puisque je n’étais pas à sa place là-bas à Deauville mais au moins, elle, y était. Et elle, c’était un peu moi.

Je n’avais pas tapé deux mots sur mon clavier que trois nouveaux bips stoppèrent net mon élan d’inspiration. Cette fois, je restais figée devant le nouveau SMS de Lola :

« incroyable ! Théo a 3 pass pour conf presse. tu viens. prends train Paris St Lazare.11h30. t’attendré gare. Biz »

1 Comments:

Blogger Hazel said...

Allez je continue sur ma lancée (j'ai pourtant les yeux explosés par le temps passé sur les blogs d'auteurs. Dis, ton pigeon à moignon ça serait pas la réincarnation de T-bag par exemple ? lol
C'est bizarre comme l'acteur a le même effet sur nous toutes, on voudrais toutes le même dans notre lit !!

samedi, 22 mars, 2008  

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