Blog de Raistlin

Mon dernier blog n'est plus. Vive mon nouveau blog ! Vous trouverez ici mes écrits. En espérant que cela vous plaira. Bonne lecture !!

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Lieu : Picardie, France

vendredi, novembre 10, 2006

Chapitre 5 : « Comme c’est dommage »

Théo nous avait rejointes alors que j’étais encore sous le choc de cette rencontre, enfin presque-rencontre, enfin non-rencontre finalement.

Ce mufle allemand nous avait gratifié Lola et moi d’un immense sourire narquois qu’il avait accompagné d’un petit discours ironique.

« Ben alors les filles ?! Pas de hurlements hystériques ? Pas d’évanouissement ? Pas de pamoison ? Vous me décevez là. Ah ! Ah ! »

L’envie m’avait horriblement démangée de lui décocher un royal uppercut dans la mâchoire et la vision du photographe s’écroulant sur le sol en se tordant de douleur avait subitement surgit devant mes yeux. Quelque part, je regrettais sincèrement que la formule magique Adava Kedavra ne soit efficace que dans l’univers imaginaire de J.K. Rowling car à ce moment précis, je l’aurais utilisé avec un plaisir jubilatoire.

La mine désolée de Lola m’avait légèrement réconforté, je savais qu’elle me comprenait et qu’elle aussi avait été hypnotisée par SON apparition inattendue. Elle m’avait pourtant prévenu qu’il logeait dans cet hôtel mais je ne m’étais absolument pas préparée à le croiser de façon aussi rapide et impromptue. En fait de le croiser, je l’avais surtout aperçu de loin mais au moins, j’avais eu la confirmation visuelle qu’il existait réellement. Qu’il était une personne de chair et de sang et non juste ce petit être de fiction qui habitait dans mon écran de télévision et qui me chamboulait les sens chaque lundi soir.

Retenant vaillamment mes pulsions meurtrières, j’avais finalement suivi Théo et Lola dans le dédale de couloirs qui devait nous mener jusqu’à la chambre de Schiffer, l’homme qui valait une Maserati coupé sport. En chemin, j’avais eu la confirmation, à mon grand agacement, que la réputation du photographe allemand n’était plus à faire. Théo avait été salué, interpellé et, embrassé par une bonne vingtaine de personnes liées de prêt ou de loin au monde du show biz et qui lui avait offert des « Hello » et des « How are you ? » excessifs et proprement insupportables. Je m’étais soudain rendue compte que l’hôtel grouillait de ses confrères et consoeurs journalistes et photographes venus couvrir ce Festival international deauvillais. Ils allaient et venaient un peu partout l’air très, très occupés et terriblement sûrs d’eux.

J’imaginais que derrière les portes closes que nous longions se tenaient tout un tas d’interviews et de séances photos. Tout en suivant notre célébrissime guide, grossièrement collé à Lola qui irradiait de plaisir, je n’avais pas cessé d’épier dès qu’une porte s’entrebâillait, essayant de repérer un visage connu ou même juste le timbre d’une voix familière.

Mais le mauvais sort s’était acharné contre moi et je n’avais fait qu’entrapercevoir en coup de vent à travers une superbe baie vitrée, le décor d’un plateau de télé reconstitué sur les bords de la piscine de l’hôtel. J’avais néanmoins eu la chance de reconnaître le monstre sacré du cinéma américain qui se pliait de bonne grâce aux questions de deux journalistes entrain de gesticuler sous les feux de trois énormes projecteurs et devant l’objectif d’une caméra relativement passive. Je me rappelais vaguement avoir lu dans le Nouvel Observateur que cet acteur et réalisateur mondialement connu et Impitoyable devait présider cette année le Festival en question.

J’avais eu l’impression de flotter dans un rêve éveillé jusqu’à ce qu’on arrive dans l’antre du briseur de cœur germanique. Là, Théo avait retrouvé l’un de ses assistants, en plus il avait des assistants, occupé à préparer son matériel de photo et ils s’étaient mis à palabrer en allemand sans plus se soucier ni de Lola, ni de moi. Nous avions finis par comprendre que sa majesté és photo avait été nominé dans la catégorie « Meilleur léchage de bottes » puisqu’il avait réussi à obtenir une séance de shooting exclusive avec une actrice italienne révélée par le dernier Woody Allen et que tout le monde s’arrachait depuis son arrivée en ville. La star capricieuse avait refusé toutes photos jusqu’à ce qu’elle apprenne que le Grand Schiffer était à Deauville, et elle avait exigé qu’il s’occupe d’elle en personne. Mais qu’est-ce qu’elles avaient toutes avec ce type ?! Bien entendu, Lola avait pitoyablement supplié qu’il la laisse assister à cette séance qui devait avoir lieu dans l’après midi et j’avais eu vraiment honte pour elle en la voyant se mettre littéralement à genoux devant lui. Ahem …

Je les avais laissé régler leur petite affaire tous les deux et j’avais gentiment mais fermement repoussé l’offre de Günter, assistant-esclave attitré de l’ami Théo, qui m’avait proposé d’aller boire un verre en attendant la fin des négociations entre son maître et ma meilleure amie. Sa proposition était on ne peut plus galante et le jeune homme fort agréable au demeurant, mais il ressemblait un peu trop à mon ex, Justin, dont le souvenir encore douloureux me serrait le cœur lorsque je rencontrais un chevelu brun aux yeux verts et à l’apparence très ‘leader de groupe de Métal’, ce qui était le cas de Günter ici présent, dommage pour lui.

Lola avait été ma bouée de sauvetage durant ce catastrophique épisode de ma vie amoureuse. Elle avait courageusement supporté mes crise de larmes à répétition et participé activement au pogrom amélioré que j’avais improvisé au milieu de ma chambre et où j’avais détruit toutes mes photos et tous mes albums du groupe de Justin. Je crois que depuis ce moment là, je n’avais plus jamais voulu écouter une seule note de sa musique que j’adorais pourtant à l’époque. De cette relation passionnée qui avait duré plusieurs années, j’avais conservé des influences et des goûts musicaux que Lola ne partageait pas et une tendance très poussée à m’habiller en noir. Je devais fréquemment rappeler à mon amie que l’univers du Métal n’était pas plus dangereux à côtoyer que celui de la photo, et pour cause. Mais cela ne l’empêchait pas d’être très inquiète lorsque j’allais à un de ces concerts démoniaques où elle était persuadée que les musiciens se prêtaient sur scène à toutes sortes de rituels sacrificiels. Pour rien au monde elle n’aurait accepté de m’y accompagner, même si elle m’aimait beaucoup, elle avait ses limites.

J’avais aussi les miennes, c’est pourquoi j’avais catégoriquement refusé de jouer comme elle les petits chiens derrière Théo toute la journée et après qu’elle m’eut indiqué l’adresse de son hôtel, nous nous nous étions séparées et données rendez vous là bas vers 18h00.

18h15. J’attendais devant L’Espérance, c’était bon signe, rue Victor Hugo, et bien entendu, je n’avais toujours reçu aucun appel, ni SMS sur mon portable.

Mais bizarrement, cela ne m’étonnait pas vraiment. Après avoir poireauté quelques temps dans le hall de l’hôtel Royal sous l’œil inquisiteur du portier, sans aucune nouvelle de Lola, j’avais fini par quitter les lieux la mort dans l’âme sans avoir eu la moindre prunelle bleutée à me mettre sous la dent. J’avais passé le reste de l’après midi à flâner ou plutôt à errer comme une âme en peine dans les rues de Deauville au milieu de la foule des touristes de tous horizons venus dans cette belle région de Normandie dans l’espoir d’y croiser une vedette de son célèbre festival annuel plus qu’avec l’envie d’en apprécier son cidre fermier.

18h20. Mon estomac grondait furieusement pour me rappeler qu’hormis un petit sandwich acheté ce midi dans le train, je n’avais rien mangé de consistant depuis des heures. Je mourrais de faim. Dans la crainte de rater Lola, j’hésitais à bouger de mon poste d’observation stratégique pour trouver une boulangerie. Le réceptionniste de son hôtel n’avait pas voulu me laisser monter dans sa chambre tant que ‘Mademoiselle Lola’ n’était pas arrivée en personne. Merci, la confiance règne !

18h25. Je commençais à maudire Lola et à me dire que finalement elle méritait bien le gigolo qui lui tenait lieu de petit copain.

18h30. Un sentiment d’abandon et de déprime totale m’anéantissait peu à peu et je me sentais seule comme jamais.

18h35. La sonnerie de mon téléphone portable me prit presque par surprise tellement mon esprit s’était détaché de mon corps terrestre m’emportant dans les limbes du désespoir.

18h36. Un hurlement caractéristique me confirma que l’organe vocal de Lola était en parfait état de fonctionnement.

« Désolée ma vieille !! Ramène tes fesses au Royal. Changement de programme, pas le temps de t’expliquer par téléphone. Aboule !!! »

Et voilà, elle avait raccroché, plus vite que l’éclair, je me demandais si je la haïssais ou si je l’adorais. Bref, je décidais de lui laisser encore une chance et je me dirigeais d’un pas lourd et fatigué vers le Boulevard Cornuché, tout de même titillé par une pointe de curiosité.
Elle me sauta dessus à peine les portes du palace franchies.

« Grouille-toi, Théo nous attend dans sa chambre !!! » Elle me propulsa littéralement vers les portes de l’ascenseur.

« J’ai passé une très bonne après midi, merci Lola. Et toi, ton actrice italienne ? »

« Hein ? … Oh, elle ? Une vraie conne ! Affreuse sans maquillage en plus ! Mais on s’en fout, j’ai une super nouvelle ! »

Encore une ?! C’était quoi cette fois ? Théo lui avait permis de nettoyer l’objectif de son appareil photo ou de porter son sac pendant qu’il en draguait une autre ? Nous étions seules dans l’ascenseur et je me dis que c’était peut être le bon moment pour lui parler de cœur brisé à cœur brisé. J’avais une mémoire moins sélective que la sienne et je devais lui en faire profiter.

« Lola … »

« Jeanne, faut que … »

Pas le temps, la cage d’ascenseur venait de faire escale au premier étage pour embarquer une nouvelle cargaison de passagers et les portes s’ouvrirent en sonnant sur un tableau plutôt stupéfiant. Ding ! Comme par un effet de baguette magique, un couple en tenue de soirée, et robe à paillette se tenait devant nous. Bababoum ! Je ne voyais que la haute silhouette de l’homme élégant et distingué qui les accompagnait et que je reconnus aussitôt. Deux yeux couleur opaline, pas vraiment bleu vu d’ici, illuminaient son beau visage aux traits gracieux. IL portait avec classe un smoking noir orné d’une pochette de satin et d’un nœud papillon. Sa veste entrouverte laissée deviner une ceinture bandeau qui lui ceignait la taille. Je l’avais rarement vu aussi beau, ni d’aussi prêt d’ailleurs.

Les trois passagers potentiels de notre navette ascensionnelle interrompirent leur conversation en nous apercevant et le deuxième homme qui n’était autre que le réalisateur Alan Potter, nous demanda avec un sourire charmant :

« Down ? »

Lola et moi devions avoir l’air de deux parfaites idiotes complètement bouchées, l’une comme l’autre incapable de répondre.

Comme dans un rêve, mon héros cathodique vola à notre secours et avec un sourire magnifique prononça dans un français à l’accent absolument délicieux :

« Descendez-vous ? »

« No. Up ! » Fit Lola en pointant bêtement son index vers le plafond.

« Comme c’est dommage. »

Ces quelques mots énoncés d’une voix au timbre chaud et sensuel, il faut bien l’avouer, trouvèrent sans effort le chemin de mon cœur et s’y logèrent avec une douceur telle, qu’elle laissa dans son sillage une agréable sensation d’apaisement.

Il recula d’un pas et tendit une main aux longs doigts effilés pour appuyer sur le bouton d’appel de l’ascenseur voisin. Les portes de notre cage d’acier entamèrent leur processus de fermeture automatique et je ne sais dire ce qui me retint de me jeter entre elles pour stopper leur progression. Je ne voulais pas être séparée de lui, de son regard, de sa présence tout simplement. Mais mes pieds semblaient rivés au sol et mes cordes vocales avaient fait leurs valises pour Mars ou ailleurs mais en tous les cas très loin de moi. J’étais muette et paralysée.

Juste avant que les portes ne se referment pour nous couper définitivement de lui et de ses amis, je le vis jeter un coup d’œil rapide sur mes Docs usées. Il arqua un sourcil et son sourire s’élargit largement, accentuant les fossettes de ses joues. Incrédule, je croisais son regard fabuleux un très court instant sans arriver à déchiffrer ce que j’y lisais. Puis, le métal reluisant de la porte fermée me renvoya mon propre sourire figé.

Au moins, je lui avais rendu son sourire pensais-je encore éblouie tandis que toutes forces m’abandonnaient et que je me laissais glisser sur le sol, le dos contre le mur de l’ascenseur qui reprenait sa banale ascension.

2 Comments:

Blogger Chancelvie said...

All I can say is "Oh my God".

samedi, 11 novembre, 2006  
Blogger Hazel said...

J'adore ces moments de rencontre, c'est vraiment délicieux...

samedi, 29 mars, 2008  

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